• Enteteroulemaloute 5
  • 29 Avril 2017
  • 20171218 134510   Copie 2

10 Octobre. Sur les 160 prochains km, il nous faudra franchir 8 cols à plus de 4000m. Bouhouhh…nous sommes déjà tout effrayés. Mais aujourdhui, la providence du voyageur s'appelle Miguel. Un Miguel bien poilu. Alors que nous suons sang et eau dans la montée du 1er col, voilà Miguel qui passe, en pick up, et qui propose de nous charger. L'aubaine, nous économisons pas loin de 1000 m de dénivelé sur les 2000 qu'il nous faut gravir. Merci amigo, mais laisse nous là, comme ça nous profiterons de la descente ! 

sur la route de jama

Après cette descente jouissive, nous passons 3 cols et plantons la tente au pied du 4ème. Comme il fait déja 0 degré au coucher, à 18 heures, on décide d’observer l’évolution de la temperature dans la tente : - 3, -10, -12, arrivent très rapidement! A - 15 degrés, on ne veut plus savoir, de peur de nous saper le moral, et on s’endort. Nous ne saurons donc pas jusqu’où l’indication du thermomètre est decendue…-18? -20?, mais ce n’est pas la grande chaleur dans notre abri de toile.

Le matin, l’intérieur de la tente est entièrement tapissé de cristaux de glace, et Bruno, à peine réveillé  annonce, tout surpris, que tous ses membres fonctionnent, ce qui est plutôt une bonne nouvelle ! Bien entendu, le contenu des bouteilles d’eau est complètement gelé, mais avec le thermos rempli la veille, nous réussissons à boire un thé sans allumer le réchaud.

11 Octobre Nous sommes à pied d’oeuvre pour nous taper le 1er col de la journée, qui sera suivi de 3 autres. Le dernier, Paso Jama à 4200 m permet de basculer sur l’Argentine. Magique, euphorisant, inoubliable !!!

jamacol

Dans un coin de la tête a germé l'idée passer la nuit chez les douaniers, mais c’est un habitant qui nous propose une chambre. Arrivés chez lui, on nous fait attendre dehors, et au bruit du balai de paille sur le sol, nous comprenons qu’un peu de ménage se fait pour accueillir les V.I.P.

Effectivement, dans la pièce où règne pas mal de bordel, un coin a été vaguement nettoyé et un matelas typé “gondole” installé au sol, un sac de sucre de 50 kg fait office de table de nuit. Jusque là, tout va bien, mais un morceau de lama, détaché de sa ficelle qui pendouille encore au plafond, puis découpé à la scie égoïne est un peu effrayant, posé là sur la table : il est, comment dire, mi sec mi suintant,  grenat et noir, veiné de gris. Quand nous le retrouvons dans la soupe, il faut faire un gros effort sur soi même, mais au final, la soupe est fameuse.

12 Octobre. Aujourd’hui, nous voyons la vie en rose: d’abord, nous avons survécu au morceau de lama grenat et noir et veiné de gris, ensuite, nous avons pu passer le grand plateau. Nous filons bon train et puis…le paysage est rose. Les montagnes sont roses, le sable est rose, le salar itou, même les flamands sont roses, c'est vous dire ! La route est parfaite, bien goudronnée, le marquage au sol défile à tout berzingue, mais il n’y a plus les indications de distance annnotées tous les 100 m, comme dans la partie Chilienne précédente. Les camions transportent surtout des voitures qui proviennent du port d’Iquique (Chili) et les emportent au Paraguay. Un peu avant d’arriver à la ville étape, le paysage change, avec des formations rocheuses rouges, presque comme dans l’Ouest des U.S. Sur les120 km parcourus dans la journée, nous n’avons trouvé qu’une maison et un baraquement ressemblant à un campement de mineurs. La distraction du jour: un 4x4 avec cellule s’est arrêté à notre hauteur. Les 2 baroudeurs helvètes sont partis de Zurich il y a 8 ans et depuis, rôdent autour du monde !

13 Octobre. Le démarrage de Susques est rude, car raide, puis la route reste difficile, toute en bosses, et la chaleur est accablante. S’ensuit enfin une belle descente dans un canyon plein de cactus.

Au bout de 48 km , nous faisons connaissance avec Sarapura Delida, qui tire l’eau de son puits en mâchant les feuilles de coca. C’est chez elle que nous passons la nuit. Elle est hyper gentille et reste seule ici toute la semaine, son mari travaille aux salines à quelques km, mais ne rentre pas tous les soirs, et sur ses 7 enfants, 2 sont partis, 5 restent dans un village pour aller à l’école.

Le soir, Annick et Delida partent rentrer les moutons et les chèvres, donner le biberon aux agnelets, pendant que Bruno retend les rayons de sa roue qui a été malmenée par les mauvaises pistes.

delida

14 Octobre. Salinas grandes est un salar exploité, avec plus de moyens techniques qu’en Bolivie, ils travaillent ici au bulldozer et ont même un tapis roulant pour mettre le sel en sac. Gag, sur tous les sacs de sel, il est écrit en gros : SUCRE!!!

bulldozer

Un peu plus loin, trouvons une bifurcation, et d’un soup d’un seul, décidons de nous embarquer sur une piste, qui nous rallonge certes d’environ 200km, mais qui nous permettra de descendre une vallée très réputée et classée au patrimoine de l’Unesco: la quebrada d’Humahuaca. De superbes troupeaux de vigognes se prêtent à l'objectif des cyclo-photographes...

annick et vigognes

mais la suite ne fut que pampa et piste sablonneuse…. Un beau coucher de soleil sur la tente a clôturé agréablement la journée.

tente coucher de soleil

15 Octobre. Il y a peu à voir sur cette piste, sable, soleil, il fait soif, et nous ne sommes pas sûrs d’en sortir avant la fin de la journée (notre carte est trop peu précise pour savoir exactement où nous en sommes), alors nous nous approchons de la seule maison rencontrée pour demander un peu d’eau. Nous ne trouvons personne, mais il y a une bonne réserve d’eau à côté du poulailler. Nous en filtrons 3 litres et en guise de remerciement, laissons un petit mot gentil , une mandarine et les bonbons qui nous restent. Finalement, il n’est pas très tard quand nous arrivons sur la route goudronnée, ce qui nous laisse le temps d’avaler le col de Tres Croces, un petit 3780m, mais là, un gros orage nous surprend, moult éclairs et coups de tonnerre, pas bon, pas bon. Il y a bien une petite chapelle, mais cadenassée, la maison du Bon Dieu ne veut pas de nous, ça nous apprendra à voler de l'eau....Une fois sa résistance vaincue par quelques coups de pince bien placés sur le cadenas, elle s’avère assez confortable (tout est relatif, car elle est complètement vide, il n’y a qu’une croix sur un mur), et en tout cas, nous protège bien des trombes d’eau.

nous dana chapelle

Nous ne nous plaindrons même pas de la vue sur le cimetière, et passons une nuit paisible dans la maison du bon Dieu. Au petit matin, le “gentleman cambrioleur” rejoue de la pince pour remettre le tout en état, et hop, ni vu ni connu !

16 Octobre. Quel plaisir de rouler sur du goudron, nous filons sans forcer. Aujourd’hui, le peintre a remis du vert dans sa palette, vert foncé des arbres et vert clair des cultures, voici plus d’un mois que nous circulions dans un univers exclusivement minéral, royaume des ocres. Le paysage devient vraiment très différent.

Les gens aussi sont vraiment très différents: les Argentins sont beaucoup plus ouverts que les Boliviens. Ils nous abordent très facilement, nous encouragent. Nous dormons dans la charmante petite ville d’Humahuaca, avec sa petite place animée, et son monument “a la independencia”, exemple typique d’une tendance nationaliste de l’art de l’ Amérique latine, qui porte aux nues les vertus des cultures indiennes écrasées par le colonialisme européen.

cultures humahuaca
monument independance
quebrada humahuaca

cactus humahuaca17 Octobre. Ca y est, le combat contre le vent a recommencé ! Il pourrait satisfaire bien des marins, mais pas nous. Il est terrible, mais nous sommes sur du goudron, il ne nous aura pas, nous arrivons quand même à rouler, un peu…Il ne nous  empêche pas de franchir le Tropique du Capricorne. Il faut dire que nos mollets fins et aiguisés fendent l'air ! Bof, ce n'est que vantardise, certes nous devenons un peu plus musclés, mais les sacoches des vélos offrent une résistance terrible à notre avancement. A midi, alors que nous mangeons abrités derrière un muret, un villageois d'une soixantaine d'années vient bavarder. Après les salutations d'usage, le voilà parti dans un discours Germinalien. Le pauvre homme a travaillé dans les mines de Bolivie, à 700m de profondeur, et chaque jour, une dizaine de coéquipiers mourrait d'accident, et autant de la silicose. BRRRRRRRRR, ça fait froid dans le dos !!Les cimetières, raconte-t-il, étaient 4 fois plus grands que les villages miniers. Ce beau métier et son exil, il les doit au parti totalitaire au pouvoir en Argentine de 1976 à 1983. Pendant cette période, les juntes ont fait disparaître 30 000 personnes. C'est ainsi que ses 2 frères communistes ont été exécutés et que ce pauvre homme a fui son pays. Il est maintenant de retour et exploite une ferme dans son village natal . On comprend bien pourquoi autant de rues ou de place s'appellent "de la liberté", "de la libération", "de l'indépendance"...

Pour le plaisir de vos yeux, voici maintenant une vue de la colline appelée "paleta del pintor", je vous en parlais plus tôt, justement. Sa roche s'orne de belles couleurs, ocre, rouge, pourpre. Mondialement connue, on la trouve dans la plupart des revues de voyage.

vallee des peintres

Dans le fond de la vallée, le vent agite les branches des arbres, apportant du mouvement au tableau dans lequel nous passons, ainsi que des senteurs d'eucalyptus.

18 Octobre. Au fur et à mesure que nous perdons de l'altitude, nous rencontrons de plus en plus d'arbres recouverts de fleurs magnifiques. Les premières vaches apparaissent, et avec les efforts fournis pour combattre notre ennemi (qui s'est levé tôt ce matin), il est difficile de ne pas les imaginer en tranches bien épaisses, sur des braises de charbon. L'"asado" se déroule souvent dans les cours des maisons et son odeur vient flatter nos narines. Les Argentins consomment en moyenne 60kg de viande de boeuf par habitant, par année (et cela a diminué de 50% au cours des 15 dernières années). La viande est extrêmement goûteuse, les locaux avancent la qualité de l'herbe de la pampa, les vaches broutant en toute liberté, sans être gavées de maïs, antibiotiques et hormones de croissance.

19 Octobre. La route d'aujourdhui, en corniche est très sinueuse et très tranquille. 30km avant Salta, on tombe par hasard sur le gars chez qui nous pensions aller dormir! Salta compte plus de 500 000 habitants, il faut le faire! Il vient de finir son tour de vélo et roulons ensemble, tambour battant, jusque chez lui. Si vous voulez savoir qui est Ramon, cliquez ici
20 et 21 Octobre. 2 journées bien remplies, entre la visite de Salta et les bons moments passés dans la famille Marin. Salta est une bien belle ville, avec de superbes constructions coloniales et de belles places ombragées.

La famille Marin, se visite aussi...c'est un sacré folklore, entre le monde qui rentre, qui sort, les chiens et les chats qui grimpent partout, mais que de gentillesse ! On a été reçus comme des rois. Dans la nuit, on a entendu un cri effroyable, et le matin, on a trouvé un mort . Un des chats a été zigouillé par un chien. Du coup, il ne reste que 7 chats, et 3 chiens. Nous avons connu chez chez gensun bel élan de partage et de générosité et ce fut une expérience humaine magnifique. On aimerait bien pouvoir recevoir Ramon un jour chez nous et l'emmener faire quelques cols des Alpes. C'est donc le coeur gros que nous avons quitté la "casa de ciclistas". Nous sommes convaincus que  le voyage à bicyclette favorise ces rencontres, belles, généreuses, inoubliables. C'est finalement pour nous le plus important dans le voyage.

P1000867
famille ramon
place salta