• Enteteroulemaloute 5
  • 29 Avril 2017
  • 20171218 134510   Copie 2

De Manali à Leh, et de Leh à Srinagar ...., le Ladakh en vélo.

En 1998, nous étions venus au Ladakh pour faire du trekking. Au cours d'une collation dans une tente restau, nous avions vu un vélo lourdement chargé posé devant l'entrée. Nous n'avions pas vu le cycliste, mais avions déclaré qu'il fallait être complètement frappé pour pédaler par ici....

Quelques années plus tard, durant l'été 2005, nous avons décidé de rejoindre le clan des fêlés : à notre tour de nous attaquer à l'Himalaya, sur la route des plus hauts cols routiers du monde. Nous avons parcouru : de Manali à Leh, puis de Leh à Srinagar, un régal surtout évidemment si on aime rouler en montagne, sinon, il vaut mieux s'abstenir !

Le profil ci dessous vous donne une idée de ce qui vous attend entre Manali et Leh puis le profil du col khardung La (un des plus hauts au monde).

manali lehgraphe

001 376

Delhi : ce n’est pas la première fois que nous venons à Delhi. Cette fois, nous ne visitons pas grand-chose, nous nous contentons de déambuler dans le quartier de Paharganj, notre préféré, c’est un des plus merdiques, c’est plein de vie, avec les vaches dans la rue.

Le culte de la vache, commun à toutes les civilisations de l'antiquité notamment méditerranéennes (Apis chez les Égyptiens, le Minotaure et Io chez les Grecs), a perduré en Inde. Pour les hindous, la vache symbolise la vie, elle est celle que Krishna protège. Dans les campagnes la vache est considérée comme un membre de la famille et la naissance d'un veau est fêtée comme celle d'un enfant. La vache propose pas moins de 5 éléments essentiels à la purification : le lait et ses dérivés, lait caillé et beurre, l’urine et la bouse. Là ou cela se corse, c’est quand le fermier libère son outil de travail en fin de vie, le laissant errer à son gré dans les rues. Certes, la vache contribue à l’assainissement de la voirie, en bouffant ce qui est impropre à la consommation humaine, ce serait intéressant si ces déchets s’arrêtaient dans l'estomac…. mais évidemment, la vache les digère et elle ne se gênera pas pour pisser et déféquer dans la rue ou sur les trottoirs. Et pas question d’en tirer le moindre steak de ces foutues vaches sacrées…, euh....même pas un petit rognon ? 

Dans Paharganj, il y a plein d’odeurs, ça sent la pisse et les épices, la pourriture et la rose… quand on passe devant le boutiquier parfumeur, ça grouille de partout, bref, c’est…un gros bordel. On adore se laisser porter par la foule, slalomer entre les étals de marchands qui essayent de te fourguer tout et n’importe quoi. On évite le sadhu avec son bâton par ci, le mendiant couché par terre par là, le pousse pousse qui va rouler sur tes pieds, le rickshaw qui te balance un grand coup de klaxon dans les oreilles. Et pan, v’la que t’as mis le pied dans un truc bizarre et gluant….va savoir ce que c’est….Retour dans ton hôtel pourri, content de ta journée et content de dégager le lendemain pour les montagnes.

Chaleur, bruit, course aux chiottes toute la nuit, fallait pas boire ce jus de fruit dans la rue, tu le sais pourtant…., pas moyen de fermer un œil dans le gourbi appelé pompeusement « hotel paradise », cherchez l’erreur…et c’est la gueule enfarinée qu’on attrape le bus pour Manali.

dbut inde 001 12

eh eh !!!!

A Manali, il pleuvine, tant mieux, cela nous fera un peu de repos, le lendemain, il pleuvine toujours….on se décide à enfourcher nos fidèles destriers sous la pluie, en pestant sur l’absurdité du monde.
La route entre Manali et Leh est une route mythique. C’est l'un des parcours les plus chouettes à faire en vélo, praticable seulement 4 à 5 mois par an, lorsqu'elle n'est pas enfouie sous une épaisse couche de neige. Elle relie deux villes : d'un côté Manali, nichée dans le fond d'une vallée couverte de végétation tropicale, de l'autre, il y a Leh, perchée sur la rive nord de la vallée de l'Indus, dans un décor totalement minéral. Et entre les deux, sur une distance de 475km, il faut franchir 6 cols, pas moins de 7500 mètres de dénivelé. La montée du Rothang La (à 3980m d'altitude), le premier des six cols au programme, est longue (52 km), mais progressive. Nous faisons cette ascension dans un brouillard à couper au couteau. Au col, un grand panneau signale la fin des souffrances. Coiffés de notre casque, nous commençons la descente toute en lacets. La route se dégrade légèrement et quelques passages justifient déjà l'emploi d'un vtt. Au fur et à mesure que nous descendons, le temps s'éclaircit et le soleil apparaît, il ne nous quittera pratiquement plus jusqu’à Leh. Le col du Rothang bloque en effet la mousson venant du sud.

001 443
001 444
001 56
001 62
001 84

Le premier col, Rohtang La est souvent dans le brouillard en été, mais après l'avoir franchi, c'est le beau temps quasi assuré.

Des panneaux pour la sécurité routière jalonnent la route, mais les indiens s'en foutent pas mal ....

001 234
001 58
001 71
001 98
001 99

C'est bien vrai....mais on peut détourner ce bel adage : on a vu un petit malin qui a écrit à l’arrière de son camion : « without whisky I’m risky ». Voilà le genre de photo qu’on regrette de ne pas avoir faite !

Un premier contrôle, nous oblige à montrer nos passeports. En effet, la frontière avec la Chine est floue et tout au long de notre périple, nous passerons par des check-points afin de contrôler notre parcours. S’ensuit une longue vallée verdoyante. De nombreux villages s'accrochent à ses flancs. Darcha est le dernier village avant la vallée de l'Indus, plusieurs centaines de kilomètres plus loin. D'ici là, nous ne verrons que des camps de fortune faits de tentes qui servent d'abri aux camionneurs, aux cantonniers et…aux cyclistes… Parlons de ces cantonniers. La plupart viennent du Bihar, une région très pauvre. Partout, le long de la route, ces gens travaillent sans relâche. Armés de pelles et de pioches, ces hommes bouchent les nids de poule ou enlèvent les cailloux tombés sur la chaussée. Ils font chauffer le goudron dans de gros bidons avant de l’étendre, dans une odeur et des fumées de folie... Quelques femmes font partie de ces armées de l'ombre, cassant des pierres à l'aide d'une masse. Parfois ce sont aussi les enfants qui bossent, charriant terre et pierres.

001 125

001 137

Le col suivant se nomme Baralacha La à 4800 m d'altitude. Avant de l’attaquer, nous avons dormi dans un petit hôtel avec télé…et avons regardé une étape du tour de France !!! On a bien observé comment ils font dans les cols, demain, on y repensera quand on grimpera à 5 ou 6 km/h... Il fait assez chaud lorsque nous démarrons l’ ascension du col : la route grimpe par à coups, une longue côte dès le départ et ensuite un faux-plat interminable jusqu'à Zingzingbar, puis encore 26 km de montée et c’est enfin le col.

001 489

De jolis sommets avoisinant les 6000 mètres se détachent des masses nuageuses et nous offrent un spectacle grandiose. Ceci nous réconcilie avec la vie car nous avons bien peiné pour franchir ce col, la route, non goudronnée est inroulable, il y a de grosses pierres partout, la descente n’est pas plus réjouissante…et arrivés en bas, il nous faut franchir un gué, dans de l’eau glaciale. C’est bon pour la circulation à ce qu’il parait. Nous nous arrêtons bien fatigués dans un des camps sus nommés, 7 km avant Sarchu et sommes ravis de voir arriver riz, dhal et chay. 

A partir de là, les paysages deviennent de plus en plus arides. On glisse doucement sur un faux plat descendant d’une vingtaine de km pour arriver au pied des Gata Loops, 21 virages en pente douce qui nous font passer de 4200 à 4700 mètres.

Encore 230 m de dénivelé pour franchir le col de Naku La, à 5020m, et hop, encore un col, le Lachalung La à 5065m.

En route maintenant pour le Taglang La (5360 mètres d'altitude), le plus haut des 6 cols de ce sublime parcours.

C'est la dernière difficulté avant Leh, du coup on se le fait vent dans le nez, avec un petit orage avant le sommet.

001 152

La descente est facile, on se lâche un peu et à Rumtse, on s’offre une petite chambre chez l’habitant. La descente continue, elle est sublime dans les gorges, mais après Upshi, un vent terrible de face nous attend pour gravir le col Eggo La, 3460m. Ce putain de vent ne nous lâche plus jusqu'à Leh…mais là, super génial accueil à la Padma Guest house, où non seulement nous sommes reconnus par toute la famille …mais fêtés…et installés dans la même chambre qu il y a 7ans !!!

001 575

Il y a une quantité impressionnante de touristes à Leh, sans doute plus que d’habitants ! Beaucoup de Français et un nombre incroyable d’Israéliens, en majorité des jeunes qui viennent de finir leur service militaire. A Leh on ne se sent pas trop en Inde. Quelques jours à déambuler tranquillement dans la ville et ses environs proches. Nous nous reposons, nous en avons besoin, mais quand le corps se repose, l’esprit s’emmerde et part de travers. Alors, au bout de deux jours au même endroit, on tourne en rond, c’est ainsi que l’appel de la pédale nous amène à un nouveau défi : tout près de Leh , le col carrossable le plus haut du monde "le Khardung La". Il culmine vers 5600 mètres. ... C'est du moins ce que disent les Indiens, et ce qu'on peut lire sur le panneau au sommet, même si l’altimètre semble démentir en étant moins optimiste (5360m "seulement"). Nous voici donc à rêver de le grimper en vélo, sans bagages. C’est, incontestablement, la conquête de l’inutile. Mais pourquoi se priver de ce petit plaisir ? Nous l’avions déjà grimpé en mobylette il y a 7 ans, la malheureuse avait failli rendre l’âme dans les derniers km. Pourtant, dépossédée de son pot d’échappement que nous avions perdu dans la montée, elle carburait mieux et pétaradait comme une furie.

Départ matinal de Leh (3500m) pour une montée de 40 km avec environ1800 m de dénivelé. Environ 2h30 pour effectuer les 25 premiers km de route goudronnée, puis cela se complique par la suite. Sur les 14 derniers km, la piste n’est pas bien bonne et les jambes un peu flagada, les arrêts photos multiplient ….surtout pour nous permettre de récupérer notre souffle. Le sommet est très touristique, il attire bien des curieux. La route continue vers la « Nubra Valley », une vallée réputée pour être magnifique, mais ce ne sera pas pour aujourd’hui car il faut prévoir plusieurs jours de vélo pour cette excursion. Il y a aussi des touristes qui louent des vélos à Leh et se font monter en voiture en haut pour faire la descente à vélo. Ah cette descente, nous la savourons, pendant la montée on s’était jurés qu’une fois dans le bon sens, on ne donnerait pas un coup de pédale. Au bout du compte, journée dure mais splendide, une bonne grosse fatigue et une énorme faim. Mais les gargotes de Leh ont de quoi nous combler, ce soir, on se tapera en dessert une grosse part de tarte à l'abricot, vivons fous.

001 599

001 602

Nous nous mettons maintenant en route en direction de Srinagar. Nous avons le temps, nous faisons de petites étapes ponctuées de visites de monastères : Likir (nous ajoutons au passage quelques cols dans notre escarcelle), Alchi, avec un des plus anciens monastères datant du 11ème siècle, et bien entendu Lamayuru où nous restons 2 jours.

avant lamayuru

L'accès à Lamayuru se fait par une série de lacets spectaculaires escaladant un univers minéral aux couleurs incroyables, on circule dans une mer de sable, vestige sédimentaire d'un ancien lac asséché.

001 672

001 685

001 690

001 698

Là nous avons l’idée d’un itinéraire original : trouver des mules pour porter nos vélos à travers la montagne et nous marcherons sur le sentier pour gagner le Zanskar. Mais Bruno attrape de la fièvre (nous apprendrons plus tard que c’est une infection urinaire), il nous faut renoncer à ce projet trop ambitieux et jouons la sécurité en restant sur la route principale. Trois cols nous séparent encore de la « capitale » du Cachemire. Le premier, Fotu-la, 4100m est escaladé facilement.

001 269

Dans la descente, on prodigue les premiers soins à un brave cantonnier qui s’est éclaté un ongle. Nous passons la nuit chez l’habitant, le jeune Lamo et sa sœur. Le col suivant, Namika-la, est moins facile, chantiers successifs, poussière, empierrage. Le Bouddha géant de douze mètres, sculpté dans un énorme rocher à Mulbek marque la sortie du territoire bouddhiste et à Kargil, étape suivante, la mosquée remplace la gompa et le moulin à prières n'est plus d'actualité. Les Baltis, musulmans fervents, représentent l'ethnie majoritaire et l'effigie de l'Ayatollah Khomeini est encore placardée ça et là. Plus grand mort que vivant, qu'ils disent...va falloir nous expliquer.

Le dernier col à franchir est le Zoji-la, 3540m et bien que modeste dans ce sens, ne ferait pas pâle figure dans une liste de cols, le bitume des derniers kilomètres ayant été depuis longtemps emporté par les hivers rigoureux. La route est dans un état lamentable, peu large, des caillasses, des trous, des ornières, avec toujours de courtes parties très pentues.

001 277

Youssef, Ibrahim et consor se sont substitué aux Norbu, Tenzing etc.

Il y a des endroits au bord de la route où la neige n’arrive pas à fondre en plein mois de juillet. Drass à 3100m d'altitude, au pied du col côté Ladakh serait la seconde ville la plus froide du monde.

001 244

Les paysages montagneux que nous traversons sont toujours très beaux et la présence militaire toujours aussi importante. Mais nous avons une chance inouïe : aujourd’hui, la route est fermée à la circulation…nous sommes les seuls à l’emprunter…et ainsi, nous n’avons pas à souffrir des nombreux camions qui nous auraient envoyé pas mal de poussière dans les naseaux. Après le Zoji La, les 10 premiers kilomètres de descente sont inqualifiables, poussière, piste étroite et bien impressionnante. Puis, la pente est moins soutenue, c’est quasi une une promenade dans un décor alpin majestueux qui nous fait perdre 1800 m de dénivelé. La rivière Sind, effrayante de fureur, dévale les gorges dans un fracas terrible. De nombreux camps militaires jonchent la route et les survols d’hélicoptères de l’armée sont de plus en plus fréquents. Cet axe est stratégique pour l’Inde car il longe la ligne de cessez le feu entre le cachemire indien et pakistanais. Du kaki armé, il y en a tous les 500m depuis le passage du col...Armés jusqu'aux dents, ils sont bien cool avec nous, il y a ceux qui nous offrent le thé et ceux qui veulent essayer nos vélos.

001 267

Le 6 Août, nous arrivons à Srinagar. Nous sommes escortés par Javaid, jeune cachemiri que nous avons rencontré la veille et qui ne nous lâche plus : ses parents possèdent un house boat et se feront une joie de nous accueillir… et blabla bla... Il n’y a pas plus collant et emmerdant qu’un cachemiri, et celui-ci vaut son pesant de cacahuètes. Il est néanmoins efficace le bougre, il a réussi à nous vendre quelques nuits en « House Boat ». Et pas n’importe quel house boat, le plus naze de tout le lac, qui sert le poulet le plus cher de la planète. Ah, l’enfoiré, mais bon, c’est pour la bonne cause, il n’a pas eu de touristes depuis des lustres, tu m’étonnes, John… Il peut nous procurer de quoi fumer, il peut nous vendre des tapis du Cachemire, on s’en fout, cela ne fait rien, il nous vendra un tour en barque sur le lac, ou du ski nautique sur une palette… et merde Javaid, on veut rien, juste que tu nous foutes la paix. Pour l’anecdote : par la suite, on a reçu un nombre incommensurable de lettres de Javaid nous déclarant qu'il nous aimait, qu’il voulait nous revoir. En fait, quand ils ont fini de parler business et compris que la poule aux œufs d’or ne pondrait pas, on peut enfin avoir une discussion intéressante, voire amicale avec ces bougres…..

001 4

001 20

Tu m'achèteras bien une tite fleur ?