• Enteteroulemaloute 5
  • 29 Avril 2017
  • 20171218 134510   Copie 2

Nous sommes passés à temps au Sénégal, le lendemain, les frontières étaient fermées à cause du virus ebola qui sévit en Guinée et dont les manifestations sont très graves, puisque mortelles dans 90 % des cas. La Guinée (Conakry) se mérite, mais on en conservera un excellent souvenir. C'est un pays méconnu, très accueillant, on ne ressent jamais les effets négatifs du tourisme, il est quasi inexistant. Les guinéens sont gentils et discrets, jamais de demande d 'argent, de stylo etc... Nous goûtons à nouveau à ces joies là dès notre entrée au Sénégal. Nous venons d'arriver à Segou, après un passage caillouteux encore très difficile, et les « donne moi ton vélo » recommencent à pleuvoir. Ceci dit, concernant les adultes, avec un peu d'humour, on fait face facilement à ce genre de sollicitations. Avec les enfants, il suffit de leur faire un peu la morale, et en général, ils n'insistent pas. 2 jours passés à Dindéfelo nous permettent de délasser nos pauvres muscles et nous rafraîchir sous la belle cascade. La piste pour aller à Kedougou, décrite comme mauvaise par des toubabs rencontrés à Dindéfelo nous apparaît comme une plaisanterie, c'est de la latérite roulante avec de gros trous et un peu de tôle ondulée, rien de plus ! Par contre, nous sommes maintenant dans une vaste plaine, et là, bonjour la chaleur, plus de 40 ° à l'ombre.

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notre petit nid à Dindefelo 

A Kedougou, on a grevé le budget en se payant un hôtel avec piscine (c'est la 1ère fois de notre vie... mais je peux vous dire qu'on a barboté quelques paires d'heures !). Le lendemain, l'hôtel est plein, il nous faut migrer dans le voisin, mais oh stupeur, c'est un hôtel pour chasseurs ! Ah là, c'est pas possible ! On revient déconfits voir Philippe, le gérant du 1er qui nous loge gratuitement (si si....on a du bol, je vous dis...) dans une chambre qu'il réserve habituellement aux chauffeurs, et qui nous va parfaitement bien. On a encore fait les beaux dans la piscine.

Les Bédik, une vie au sommet d'une colline.

Après une courte étape de pédalage, nous nous posons ensuite à Ibel dans un campement tenu par des jeunes, et l'un d'eux propose de nous faire visiter le village d'Iwol qui se trouve sur une petite montagne, l'accès ne peut se faire qu'à pied.

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Les Bedik se sont installés ici depuis le XIIe siècle, conservant l’habitat groupé et des pratiques culturelles diverses, dans des villages difficiles d’accès et confrontés à un problème d’eau. En effet, il faut parcourir environ un kilomètre et demi, avec pas mal de dénivelé pour trouver de l’eau, une corvée quotidienne pour les femmes. A Iwol, les 614 habitants sont répartis entre quatre familles. « Les Keita qui sont les éternels dirigeants ou chefs de village, les Camara et Samoura qui organisent les fêtes et la famille Sadiakhou qui est chargée de la sauvegarde et du maintien de la coutume ».les Bédik sont le plus souvent polygames. Un homme peut disposer jusqu’à 7 femmes ou plus. Cela s’explique, de l’avis de Jean-Baptiste Keita (qui fait un vrai travail d'accueil et de présentation de sa culture, en endossant également les fonctions d'instituteur, de soigneur, de prêtre ), par le fait que l’homme n’abandonne pas les femmes de son frère, une fois ce dernier décédé... Avec l’évangélisation et l’islamisation, les Bedik portent des prénoms catholiques ou musulmans. Mais ils conservent précieusement leurs coutumes, et sont avant tout animistes. L’initiation des garçons à l’âge de 15 ans appelée « Olèthie » est toujours pratiquée et permet le passage de l’adolescence à l’âge adulte. Elle se pratique dans le bois sacré situé à 38 km du village d’Iwol, lieu appelé en Bédik « Manangodé» ou « lieu de formation ». Les circoncis passent la nuit dans les cases coutumières. L’initiation se fait un samedi, on les tresse et ils sont décorés. Chaque initié porte un pantalon bouffant octroyé par le papa, un couteau, des chaussures en cuir et un grand boubou. Lors des combats contre les masques, ils sont aidés par leurs oncles. Mais, auparavant, pour chaque garçon, on égorge un coq dans les cases à bière chez les grands fétiches pour vérifier la couleur des entrailles de l’animal. « Cela permet de savoir si le garçon rencontrera un malheur lors de l’initiation ou non. La couleur blanche des entrailles est signe de bonheur ; la couleur noire, elle, est signe de malheur», soutient M. Keita...Grands conservateurs de leurs traditions, les Bedik ont aussi su sauvegarder d’autres fêtes telles que celle des vieux et celle des morts. Appelée « elaba», cette fête donne l’occasion aux habitants de faire de la bière de mil avec laquelle ils se lavent les mains pour se débarrasser complètement du mort et afin qu’il soit « bien accueilli là où il va et lui éviter le malheur ». Selon certaines croyances traditionnelles, pendant la fête des morts, les défunts reviennent à la vie et participent aux festivités. Au détour des ruelles et des cases, nous rencontrons une vieille dame, une barrette dans le nez, le cou et les oreilles ornés de multiples bijoux. Je demande à la photographier. Elle est tout à fait d'accord, mais il faut que je lui donne un bout de savon. Habituellement, je ne marche pas dans ce genre de combine, mais là, je fais une entorse à la règle, elle est tellement photogénique ! Elle le sait très bien, elle pose de façon professionnelle, elle a du le faire des centaines de fois, c'est toujours elle qu'on voit en photo dans les livres...

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Dans ce village se trouve aussi le plus gros baobab de toute la région avec ses 23,30 mètres de circonférence. Un arbre qui se tient debout depuis le 13e siècle, soit plus de 600 ans d’existence.

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Nous demandons à visiter le village voisin, Andiel, et comme nous arrivons en fin de journée, le vin de palme a coulé à flot et fait son effet, la plupart des hommes sont bien bourrés, nous ne nous attardons pas trop. Il semble bien que ce vin ne soit pas réservé aux grandes occasions !

Dans la nuit, nous sommes réveillés par de grands cris, et comme nous dormons la porte ouverte, nous voyons aussitôt des gens courir de partout avec des lampes à la main. Quelques bruits de moto aussi, on ne comprend pas ce qui se passe. Au petit matin, on apprend que le village a été attaqué par une bande de brigands, et que les jeunes ont réussi à molester 3 d'entre eux !

La Casamance 

Depuis Kedougou, nous ne faisons pas la totalité du trajet en vélo, d'une part à cause de la chaleur (jusqu'à 43 ° à l'ombre...), d'autre part car la route est en réfection, nous n'avons pas très envie de manger de la poussière à longueur de journée. Nous prenons donc pris le taxi brousse sur une partie du trajet et recommençons à pédaler plus loin. Nous ne roulons que jusqu'à 13 heures, à cette heure ci, on a déjà l'impression d'être dans un four. Nous nous attardons peu à Ziguinchor, nous partons visiter de petits villages, et goûtons à l'hébergement dans des cases à impluvium, une spécialité casamançaise.

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Ces cases se trouvent parfois dans les campements villageois. Un confort modeste, mais des lieux d’échange et de partage uniques, en marge des circuits du tourisme classique, où l'on a l’opportunité de découvrir la vie réelle des villages, leur patrimoine (culture, Histoire et histoires) comme leurs nouvelles dynamiques (case de santé, écoles…). Les bénéfices de ces campements, reversés en partie à la communauté, permettent d’appuyer, sur la demande des villageois, des actions de développement dans les domaines économiques, sociaux et culturels.

Puis, nous allons au bord de l'océan, à cap Skirring. 

Nous nous installons au campement de Mme Ballo, sur la plage. Un endroit absolument charmant et une famille adorable. C'est là que nous retrouvons Olivier.

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Olivier n'est pas le touriste lambda qui passe ses vacances dans son hamac, Olivier pédale du Maroc jusqu'en Afrique du sud. Son blog ici. Allez Olivier, pédale bien, la prochaine fois, on part sur tes traces. (pas encore rentrés qu'on pense déjà au prochain trip...., c'est dire qu'on est un peu mordus..., et vraiment, l'Afrique en vélo, c'est top !) Avec Olivier et d'autres pensionnaires de chez l'excellente Mme Ballo (coup de pub gratuit...), nous nous rendons à l'intronisation du roi de la région d' Essaoute. C'est un grand événement pour la population, le dernier roi est décédé depuis une vingtaine d'année, et le fétiche vient seulement de trouver le nouveau roi. Celui ci ne paraît pas hyper heureux de son sacrement, car cette fonction est une charge très importante. En gros, il veille sur la paix et la sécurité du village, joue un rôle de médiateur dans les conflits. La fête bat son plein dans un grand mouvement de foule, nous avons les oreilles fracassées par de grands coups de fusil, distribués sans relâche par les chasseurs qui tirent en l'air au milieu de la foule.

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Le roi

vaches

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La Casamance, c'est vachement bien !

Comme vous le voyez, les plages sont fréquentées essentiellement par les vaches. Il y a fort peu de touristes, c'est la basse saison. Des km de plage pour nous seuls, que nous sillonnons sans relâche, nous rencontrons seulement quelques chiens et quelques vaches et les vendeurs ambulants,. On les connait tous assez vite, comme il y a fort peu de peaux blanches en ce moment, ils ont tôt fait de nous repérer. Bambi, Martine, Amina vendent leurs fruits, Ousmane les fausses rolex, Boubacar et Abdullai les statues en bois, et ce grand con de Lamine vante ses charmes cachés...il n'y a pas plus rapide que lui pour fourguer son numéro de téléphone. On l'a surnommé Lamine l'éclair !

et puis, de petits villages de pêcheurs... 

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de gros coquillages , vidés et dont le contenu sera séché au soleil

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Le kankourang : il est 2 heures du matin, nous rentrons d'une fête en taxi. On roule quelques km, et le chauffeur nous avoue ne pas être très tranquille, car nous allons traverser un village où, il y a quelques heures, on aurait vu passer un kankourang. Kesako ? C'est un être très méchant portant masque et costume, qui apparaît habituellement au moment des fêtes de circoncision. il faut l'éviter absolument...., On lui dit que ça va aller, y a qu'à fermer les portes de la voiture de l'intérieur !!! Mais ce n'est pas si simple, car c'est pas seulement un homme, c'est un esprit maléfique..... ????? ..... oups, ça nous dépasse un peu, hein...Nous traversons une petite forêt, nous voyons notre chauffeur transpirer à grosses gouttes et accélérer plein pot en traversant le village. Quelques minutes plus tard, il nous dépose sains et saufs devant l'entrée de notre campement. Il nous dit qu'il part se coucher, et on le croit sur parole, sûr que c'est sa dernière course de la nuit ! Quelques jours plus tard, nous nous trouvons dans une autre région de Casamance, tout à fait au nord, et discutant avec des lycéens, ils nous apprennent que leurs profs sont en grève. La raison ? Le kankourang a frappé l'un d'eux, l'a blessé avec son coupe coupe. Le prof se serait trouvé nez à nez avec lui et n'aurait pas détallé comme on le préconise ! Allez, n'ayez pas peur, nous, on ne l'a pas rencontré, mais on va vous le montrer en photo (photo prise sur internet)

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Voici maintenant quelques bonnes raisons de venir en Casamance, et peut être d'y rester, comme un assez grand nombre de toubabs qui ont acheté des maisons et se sont installés ici :

Un climat hyper agréable. Fini les 43° et plus à l'ombre, grâce à l'air marin, les températures ne grimpent pas trop et les nuits sont fraîches.

Une nature généreuse, avec des arbres immenses. Tout pousse ici, on dit que la Casamance est le grenier du Sénégal.On mange des pommes cajou en pagaille. Nous les ramassons sur les arbres au bord des routes, parfois, on les chope direct sur les branches, sans descendre du vélo. C'est un fruit plein de jus, un peu âpre et hyper désaltérant. Le noyau est à l'extérieur, c'est lui qui est grillé, et à l'intérieur de ce noyau, il y a la fameuse noix de cajou. Les rizières ne sont pas très belles en saison sèche, mais on imagine qu'en saison pluvieuse, elles doivent être grandioses.

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Le vélo dans les rizières, c'est pas top ! 

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Partir en pirogue dans les bolongs (les bras de mer), pour pêcher, ou juste pour le plaisir d'une balade sur des eaux calmes et silencieuses.

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Les huitres qui poussent dans les racines des palétuviers et vendues grillées au bord de la route. Nous nous sommes régalés à plusieurs reprises, aux bons petits soins de Rachel, Agnès et toute l'équipe de femmes, des super nanas qui triment dur pour gagner quelques CFA.

Une très faible fréquentation touristique. Est ce dû au visa nouvellement mis en place, au classement de la Casamance dans les régions dangereuses sur le site de diplomatie.gouv ?C'est vraiment dommage pour l'activité économique de la région, pour ses habitants qui sont vraiment gentils, pas embrouilleurs comme dans d'autres coins du Sénégal, même les vendeurs de plage ne sont pas trop emmerdants.

Les travaux sur notre maison ayant pas mal avancé ces derniers temps, nous sommes réclamés sur le chantier. Nous repoussons tant et plus la date du retour, mais un jour, voilà, il faut faire le pas, se décider enfin à prendre notre billet d'avion. C'est donc le 19 Mai que nous nous envolerons. Il ne nous reste plus qu'à remonter sur Dakar, en traversant la Gambie, un tout petit pays, mais fort sympathique, avec des plages paradisiaques. Alors, à tout de suite pour le récit et les photos de la Gambie !

Welcome in Gambia !!

At the border (dialogue avec un douanier compréhensif ! et au final payer le tiers du prix annoncé) 

good morning.You have to take a turistic visa.

how much is it ?

20 000 cfa (30 euros)

oh, its too much, (with a smile) would you please give me a cyclist visa ?

ok,give me 10 000 cfa

(with a big big smile) : for two persons ?

ok, give me 15 000 cfa for two !!!

let's go, nous allons traverser cette petite enclave dans le Sénégal, une population adorable, des paysages similaires à ceux de la Casamance, une côte un peu plus touristique mais ce n'est pas la côte d'azur quand même, bref, que du bonheur.

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Et puis, arrivés à Dakar, la magie de l’avion a frappé; en quelques heures nous sommes de retour à la case départ. Quelques heures d'avion pour faire le chemin inverse, quelques heures d'avion contre 9 mois de pédalage. Et brutalement, on se prend en pleine face la réalité du développement: des supermarchés bien achalandés, une chasse d'eau qui fonctionne, mais le stress, la surconsommation, l'individualisme...

Conclusion : Il y a 9 mois, nous avons harnaché nos montures pour prendre la direction de l'Afrique et réussi la première épreuve, passer au delà des clichés, répondre à quelques questions tout aussi suprenantes que déstabilisantes:

« mais vous savez que pour aller en Afrique, il y a la Méditerranée à traverser ? »

« Et si un lion se jette sur vous ? »

« Et si un village entier vous attaque, vous allez faire quoi ? » etc. etc.

Aujourd'hui, alors que, rentrés au bercail nous reprenons le train train quotidien, que le lion nous a dédaignés, que les villageois africains nous ont accueillis bras ouverts, il nous faut répondre à d'autres questions :

« mais quand même, vous n'avez jamais eu peur ? »

« z'avez pas eu de gros ennui ? »

« mais vous avez pu vous laver ? » (ah non, pourquoi....ça se sent tant que ça ??? ) etc.etc.

C'est sûr, les images négatives concernant l'Afrique sont légion, mais une chose est sûre, si on n'écoutait que ses peurs ancestrales on aurait des vies bien moroses.Vue d'ici, l'Afrique est un immense nid à problèmes. En 9 mois, nous n'en avons rencontré aucun. Ces 9 mois, ce n'était que du bonheur. Pourtant, en mettant fin à cet article, je me dis que bien des lecteurs trouveront encore plein de raisons pour éviter cette destination. Peu importe de quoi il s'agit, ce n'est sûrement pas aussi grave qu'ils l'imaginent. Moi, je vous le dis, si comme cela m'arrive parfois, vous vous mettez à pester parce qu'il faut faire la queue à la station service, si vous vous énervez parce que la page internet a mis plus d'un millième de seconde à se charger, ou pire encore, si vous êtes très déçus de ne pas trouver vos yaourts préférés à la migros, alors, c'est clair : il est temps de vous recentrer sur de vraies valeurs. Pour cela, il y a plein de solutions et pour nous, pédaler en Afrique en est une !

A bientôt !