• Enteteroulemaloute 5
  • 29 Avril 2017
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29 Janvier 2014. Une entrée incognito au Mali.

Kidira n'est qu'une suite de camions et de petites échoppes.

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En dépassant la file de camions, on se retrouve à traverser le Falémé, affluent du Sénégal. Un panneau indique la frontière, nous venons donc de quitter le Sénégal sans nous en rendre compte et sans effectuer la moindre formalité de sortie et entrons au Mali sans visa et en n'ayant fait aucune formalité d'entrée. En effet, bien que parfaitement réveillés ce matin, nous n'avons vu aucun képi ni corps habillé. Au bout d'un moment, on se dit qu'il faut quand même qu'on se préoccupe du visa, et on retourne vers la barrière ouverte que nous avons franchie il y a quelques centaines de mètres. En descendant l'accotement, on entre dans une cabirotte où, parce qu'on insiste, un type dit que oui, on peut avoir un visa, mais il faut retourner le prendre au poste de police près du marché. Là, pour 20 000 FCFA, on nous donne un coupon sur lequel il est écrit « visa », et en insistant, un coup de tampon sur le passeport ! Nous voici en règle.

Premiers tours de roue maliens :

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La savane fait place à la forêt de baobabs majestueux aux bras immenses et tortueux tendus vers le ciel. On dirait des arbres plantés à l'envers. La route est déserte et ne traverse quasi pas de villages,jusqu'à la ville de Kayes, prononcez « caille ». Kayes la mal nommée car il y fait aussi chaud que dans un four, c'est la ville la plus chaude du Mali. Nous nous sentons un peu nerveux de nous trouver là, surtout la froussarde, mais de suite, les bonnes rencontres que nous faisons à l'hôtel « Maida » nous mettent à l'aise. Quelques habitués sont là , nous sommes très vite incorporés dans un petit groupe et si nous allons nous coucher à une heure raisonnable, le reste de l'équipe reste à refaire le monde jusqu'au petit matin en buvant bière sur bière...

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Nous faisons une petite visite de Kayes, assurons le repas du soir d'un piroguier (le pauvre n'a pas eu un touriste depuis 2 ans) et nous rendons au poste de police pour leur soumettre notre projet : gagner Bamako sur nos vélos. Nous dérangeons le commissaire adjoint en pleine activité face bookienne, le commissaire en chef se marre, c'est le fait de nous savoir en vélo qui le fait rire, mais il nous assure que la situation est totalement calme dans la région, qu'il n'y a pas de terroristes dans le coin, qu'il y a des bus, mais que si on a envie de se crever la paillasse sous le soleil, et bien, on n'a qu'à pédaler !

Nous démarrons donc le lendemain, de bonne heure et de bonne humeur, et c'est une étape courte qui nous emmène chez André et son frère Moise qui ont installé un petit campement à Kakoulou Comme il est encore tôt, nous partons faire une balade en pirogue sur le fleuve avec Djourou qui nous emmène dans un petit village sur une île. C'est parti pour une visite inoubliable, accueillis par un griot avec sa chora bricolée, avec des gamins hauts comme 3 mangues qui se mettent à danser au milieu de jolies cases décorées.

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Les cases sont surélevées pour la saison des pluies

Les pigeons qui rôdaient dans la cour ne sont pas morts pour rien, Moise les a fait rôtir et à notre retour, nous nous régalons. Après une bonne nuit dans la case, nous sommes fin prêts pour la suite.

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Super l'arrêt chez Fouta, qui a aménagé un container en bistrot

A Diamou, nous prenons le temps de boire un café au lait et engloutissons quelques beignets chez Fouta, car nous savons que c'en est fini du goudron.

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Nous allons nous engager sur une piste de latérite en direction des chutes de Gouina, où nous allons retrouver Clément et Anais.

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bonne soirée mais mauvais cadrage !!!

Clémént et Anais ont monté un campement autogéré en partenariat avec des jeunes du coin. Une bonne ambiance règne ici, toute l 'équipe s'est battue (et se bat encore) contre un projet hydroélectrique.

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Elles paraissent toutes petites....mais elles sont très hautes

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Un immense barrage va être construit, ce qui va inonder les terres avoisinantes sur une cinquantaine de kilomètres, créant le déplacement de plus de 2000 personnes et d’une quinzaine de villages. Le but est de produire plusieurs gigawatts d’électricité pour les capitales des pays membres de l’OMVS (Mali, Mauritanie, Sénégal, Guinée). On promet quelques dédommagements financiers et de petites maisons pour les populations locales, mais cela ne les satisfait pas du tout, elles se disent pas prêtes à subir de tels bouleversements. 

Et puis, les promesses, elles n'ont pas trop confiance...De toute façon, aucune compensation ne leur permettra de digérer l’engloutissement de l’île de Foukara. Nous visitons cette île hyper tranquille, un seul village et quelques familles, c'est magique, les enfants sont très dégourdis. Ils partent à l'école sur une pirogue qu'ils manoeuvrent eux même pour traverser le fleuve, car l'école n'est pas sur l'île, elle se trouve à Foukara Rive gauche. Les enfants sont plus calmes qu'au Sénégal, sur la piste, après quelques secondes d’interrogation sur les drôles d'engin en train de passer, leur réflexe est de se mettre à nous courser, mais toujours avec respect, sans s'accrocher au vélo.

Une bière bien fraîche chez Dieudonné.

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Imaginez, après plus de 300 km sur une piste mythique et poussiéreuse, à boire l'eau du puits à la température du biberon de bébé, vous trouvez une cour ombragée où on sert de la bière fraîche. Le hic, c'est qu'on est chez « Dieudonné », visez la honte qu'on se tape ! Ouf, le proprio n'est plus Dieudonné, c'est Antoine et nous avoue que la chambre qu'il loue est très sale ! C'est quand même le comble, un aubergiste qui ne veut pas louer sa chambre car elle est trop crade... Donc après cette halte désaltérante, nous faisons étape plus loin, au relais touristique. Nous sommes donc maintenant à Kita, sur le goudron, Bamako n'est plus qu'à 190 km, une distance que nous ne ferons pas intégralement sur nos machines. Nous faisons du stop pour finir l'étape dans la journée. Pas qu'on soit devenus fainéants, mais un peu sur nos gardes vu le contexte, (enlèvement récent de 5 personnes du CICR. Certes cela s'est passé très loin d'ici, et ils vont sans doute être relâchés, ce sont des maliens....mais nous ne voulons pas prendre de risque. Autant nous nous sentions en totale sécurité dans la cambrousse, autant maintenant nous préférons être discrets, au moins tant que nous ne savons pas exactement ce qui se passe....Les ressortissants étrangers ont reçu hier un texto des ambassades les prévenant d'une menace d'attentat à la bombe à Bamako...)

Ba ma quoi ? Bamako

C'est donc en pick up climatisé que nous entrons à Bamako ce 12 Février, coup de chance énorme, il va pile poil dans le même quartier que nous, Bamako est une ville tentaculaire, il y a monstre circulation dans le centre. Nous sommes très heureux de ne pas avoir à rouler dans la pollution, au milieu des bagnoles et motos chinoises pétaradantes, prenons nos quartiers « chez Djamilla », une auberge fort sympathique qui était avant les événements le lieu où échouaient tous les routards. la clientèle a un peu changé, mais il y a un monde fou qui passe ici, boire l'apéro, manger, discuter, on ne s'ennuie pas et on finit par oublier que l'on est dans une capitale, tant l'atmosphère rend le lieu chaleureux et convivial

Un Dimanche à Bamako...

Dimanche 16 Février 2014. Affalés sous le ventilateur, tentative d'écriture. Eh oui, il y a quelques acharnés qui nous suivent toujours et qui veulent du récit ! Alors, il va falloir se remémorer ce qu'on a vécu ces derniers jours, c'était très intense et riche en émotions. Essayer de vous faire partager un peu notre histoire, mais par quoi commencer ?

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Par la description de la piste, ça au moins, c'est racontable. Elle est parfois très étroite, mais ce sont les endroits les plus agréables, car dans ses parties larges, c'est une traitresse : elle nous permet de rouler à bonne allure sur de la latérite bien dure, et d'un coup, sans prévenir, elle devient sablonneuse et là nous devons faire très attention pour éviter la chuter. Le problème de ce sable, c'est qu'il est de profondeur inégale, parfois avec un peu de vitesse ça passe, mais quand nous atterrissons dans un bac à sable, l'arrêt est immédiat, et le redémarrage se fait en poussant les bécanes. C'est la répétition qui nous mine....

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Malgré quelques dérapages pas tristes, et quelques mains au sol, il n'y a pas eu de casse, mais chaque soir, nous sommes vraiment crevés. Peu avant Bafoulabé (l'endroit où 2 fleuves se réunissent pour former le fleuve Sénégal), on en a vraiment marre de pousser, et on est tellement raides qu'on se met sur une charrette pour faire les derniers km ! Les ânes n'avancent pas vite dans le sable, moins vite encore que les vélos, mais ça fait du bien de se laisser porter !! Le soleil se couche, on est encore dans le sable, et on chante sur la charrette avec Tiken jah car le proprio des bourricots a de la musique sur son téléphone, c'est un peu surréaliste comme ambiance !

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Voilà donc l'équipage qui arrive en pleine nuit dans le pseudo hôtel qui n'a pas fonctionné depuis des lustres, un coup de fil au proprio pour qu'il vienne nous filer une chambre, quelqu'un part en mobylette nous acheter un poulet frites , la vie est belle ! Comme on dit, en Afrique, tout est possible ...(mais rien n'est vraiment certain !

A Mahina, après avoir laissé la large piste bordée de manguiers, nous devons traverser le fleuve sur un pont occupé par la voie ferrée sur quelques centaines de mètres. Heureusement le train ne passe que 3 fois par semaine. Juste après le patelin de Galego, nous roulons et poussons sur un petit sentier à ras la voie ferrée.

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Là, on a eu un doute sur l'itinéraire...

Et puis au niveau des passages de gués, des pavés disjoints nous secouent les tripes. On se croirait sur une voie romaine. Ça et là des morceaux de goudron nous remettent le sourire aux lèvres mais ils ne durent pas longtemps, sauf vers Manantali. Par contre là, il y a un immense barrage et du coup une grande côte à grimper. Bref, le terrain est varié mais c'est aussi usant; et quand on se pose enfin dans un village, on est cassés, on ne bouge plus, et on n'a plus besoin, on s'occupe de nous. Le scénario est toujours le même, remarquez, cela me simplifie la vie, pas besoin de vous raconter chaque soirée !

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A peine sommes nous entrés dans le village que les gamins viennent prendre leur poste d'observation, des toubabs au bled, ce n'est pas tous les jours. Vous allez dire que l'on exagère, pourtant, on peut vous garantir que dans des bleds reculés (on s'est parfois écartés de la piste principale), ils n'ont jamais vu « le blanc », ni en photo, ni à la télé évidemment car il n'y a pas d'électricité, même pas solaire. Alors, là, c'est assez drôle de voir les réactions; Il y a ceux qui partent en courant et en hurlant, il y a ceux qui s'approchent, il y a les plus hardis qui vont jusqu'à nous toucher, nous caresser la peau et les cheveux....Ils sont vraiment gentils les enfants ici, beaucoup moins crampons qu'au Sénégal et jamais ils ne prononcent les mots « cadeau, bonbon, stylo... », ils n'ont pas été pourris par les touristes. Touristes qui nous lisez, on vous le dit, on vous le répète : on ne distribue jamais de bonbons, de stylos, d'argent à des enfants ; Si on veut faire une bonne action, on passe par l'instit, le dispensaire...;mais on ne donne jamais aux enfants ! Donc, pendant qu'on monte la tente (on a appelé cela « la case des blancs », ça les fait rire), il y a déjà quelques paires d'yeux rivés sur nous....puis arrive toute sorte de gens pour discuter. Il y a toujours quelqu'un qui nous apporte de l'eau, puis plus tard quelque chose à manger, souvent du mil, avec une sauce. Le matin, c'est soupe de mil, pas évident, mais à cheval donné on n'y regarde pas les dents ! On échange sur nos vies respectives, ils sont intrigués, ont bien évidemment de la peine à comprendre les raisons de notre parcours, en décalage total avec leurs préoccupations quotidiennes. Il y a des questions qui reviennent souvent : « Mais qui vous paie pour faire cela ? C'est votre gouvernement ? Vous n’avez pas de voiture ? », Et puis des réflexions comme : « Mais vous êtes braves, c’est fatiguant le vélo » ou alors : « ah ben moi, si j'avais de l'argent, je n'achèterais pas un vélo, je prendrais un moteur, parce que si je paie, je ne veux pas me fatiguer, je veux avoir du plaisir !!! » Pas cons les gars.… On peut aborder sans problème des sujets comme l'excision, la polygamie... Concernant l'excision, beaucoup sont contre maintenant, mais la polygamie fait toujours pas mal d'émules. Nous sommes très surpris d'entendre des femmes nous dire que cela les satisfait pleinement ! (ce n'est pas toujours le cas bien entendu) L’islam autorise la polygamie sous certaines conditions d’équité envers les épouses. Aussi, si nous avons régulièrement entendu que le nombre maximum d’épouses était de 4, d'autres affirment qu’il n’est limité que par les capacités du mari. Du coup, cela fait des situations familiales compliquées, quand on nous parle de son frère, ce peut être le demi frère, ou quelqu'un d'autre ... En fait, on a tendance à appeler toute personne de la famille un frère, une sœur, un père, une mère, on ne comprend jamais qui est l’enfant de qui. La question "combien as-tu de frères et sœurs ?" n’a pas de sens, pour avoir la bonne réponse, il faut ajouter « même père, même mère »

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Ces femmes ont voulu être photographiées devant leur case. Les maris sont partis rôder, hommes et femmes vivent des vies bien séparées 

Les femmes sont spécialement attachantes, elles travaillent dur, corvée d'eau, la bouffe, les gosses, le travail dans les champs, les arachides à décortiquer et à faire griller le soir, elles n'arrêtent pas une minute. Le matin, elles nous servent de réveil, le jour commence à peine à poindre qu'elles sont déjà entrain de piler le mil dans le mortier. En tout cas, elles ont l'air ravies de notre présence. Je précise que les photos que nous faisons le sont toujours avec l'accord des gens et souvent même parce qu'ils nous le demandent. Dans un petit village, les villageois veulent faire une fête pour nous mais les griots sont partis faire une cérémonie ailleurs. Ils sont très déçus et nous demandent de rester un jour de plus, ce que nous ne ferons pas (nous le regrettons ensuite, mais on est toujours partagés entre le désir de profiter des bons moments et celui d'avancer la route...c'est comme ça...) et nous font promettre de revenir les voir « et on fera plusieurs jours de danse, avec djembés, choras.... ». Le point commun de ces villages, c'est leur propreté.

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Rien ne traîne, les cours sont régulièrement balayées, les femmes ont toujours de belles tenues propres, on se demande comment elles font, les plus sales, c'est nous ! Et le plus fort, c'est qu'au moment de repartir le matin, on nous remercie d’être passés et d’avoir accepté de manger la même chose qu'eux.

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Alors nous repartons jusqu'au prochain village, et les distractions sont nombreuses sur la route, comme ce petit concert improvisé que nous font des gosses alors qu'on mange la boite de sardines (on a repris nos habitudes..;) au pied du baobab.

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Bien choisir son baobab avant de s'arrêter, certains sont chargés de fruits comestibles. A l'intérieur, il y a des fibres légèrement acidulées et sucrées.

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Fruits du baobab

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L'ethnie majoritaire de la région est constituée de Malinkés, ils vivent d'agriculture, de pêche et de chasse.

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ici le broyeur des noyaux de karité

et dans le plat, le beurre de karité (obtenu après traitement de la pâte marron :

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Ce jeune est tout content de nous faire bouffer la biche qu'il vient de chasser....no comment ! 

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Nous rencontrons aussi des peuls, qui eux font exclusivement de l'élevage.

Quand l'occasion se présente, nous mangeons sur les petits marchés, c'est bon et copieux. Un jour où il fait spécialement chaud, on reste à l'ombre pendant qu'un cordonnier recouvre les poignées de nos vélos avec du cuir, le soleil les a vraiment abimées. Son assistant a un travail monstre, il coud des gri gris dans des petits étuis de cuir. Un type fait coudre un bracelet avec 3 pierres dedans, c'est pour qu'il trouve de l'or, un autre fait emballer une lame de rasoir, le marabout a dit que cela le protégerait des serpents. Une femme attend patiemment que ses colliers contenant une poudre blanche soient cousus, ainsi ses 5 enfants n'attraperont aucune maladie....C'est ça l'Afrique, on en apprend un peu tous les jours !!

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L'emballeur de grigris

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Le vélo, c'est fatigant !!