• Enteteroulemaloute 5
  • 29 Avril 2017
  • 20171218 134510   Copie 2

Déjà perdu le Nord ?

Une fois faites les dernières courses dans un grand supermarché, complètement européanisé, on se croirait à la Migros, à l’aube du 13 septembre, c’est Nairobye bye. A Nanyuki, c’est le franchissement de l’équateur, le lieu où deux fois par an le Soleil ne donne pas d'ombre. Et demain, notre ombre devrait changer de sens. Un arrêt photo s’impose pour la photo du panneau, et là de jeunes africains tentent de soutirer quelques pièces aux touristes pour leur faire la démonstration, truquée, que dans un évier, l'eau se vide avec sons sens de rotation qui change si on se déplace de quelques mètres de part et d’autre de l’équateur. 

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Peu après Nanyuki, croisons un troupeau de dromadaires conduit par un nomade somalien qui vient de parcourir 500 km à pied.

Out of Africa.

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C'est beau, non ? et le petit bidule rouge à gauche, c'est un vélo couché

Devant nous, la piste et son lot d’imprévus. C’est pourtant là que nous posons nos roues, quittant le confort du goudron et des villages rapprochés. Nous le savons, nous allons nous enfoncer dans le « wild », un immense plateau abritant beaucoup de bêtes sauvages, et seulement quelques ranchs tenus par des kenyans blancs, installés ici depuis plusieurs générations. C’est dans un de ces ranches qu’en 1985 Pollack a tourné quelques scènes d’ « out of Africa ». Un heureux concours de circonstances nous amène à être invités dans une de ces somptueuses propriétés. 20 000 ha, 3000 vaches, moutons, personnel à gogo, bergers, gardes armés jusqu’aux dents, cuisinière, servantes et tout le tintouin. La demeure des proprios est juste hallucinante, toute de bois et de verre, sols en pierre, grands salons, immense terrasse, pelouse (arrosée quotidiennement par le jardinier et tondue par les hippopotames la nuit). On a une belle chambre, le service du personnel noir « so british », on a juste peu l’habitude de cette atmosphère néo colonialiste ! A cheval donné, on n’y regarde pas la bride…on ne va pas commencer à critiquer, et pour la déco, on va faire avec les têtes de gazelles aux murs, les tables basses en pieds d’éléphants...

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Notre hôte est aux petits soins, il souhaite nous garder 2 nuits, pour qu’on s’imprègne bien de l’ambiance. Alors, imprégnons-nous ! C’est ainsi qu’il nous promène en 4 X 4 pour voir le bétail, ramasser quelques veaux morts pour donner à bouffer à ses lions captifs, il va même nous montrer le village voisin, celui dans lequel nous devons passer en vélo et qui n’est habité que de méchants sauvages ! Ben oui, il n’y a pas que des blancs au Kenya, va falloir qu’on soit hyper vigilants ! La vérité, c’est que la politique des dirigeants est de créer des parcs à outrance, où les touristes vont lâcher de petites fortunes pour voir des animaux sauvages, loger dans des lodges somptueux, du coup, les locaux perdent leur terre. A cela, vous ajoutez les populations nomades, qui ne connaissant pas les frontières, vont parfois se retrouver à faire paitre leurs troupeaux dans les propriétés privées….et bien évidemment se faire jeter. Bref, on peut comprendre qu’il puisse y avoir dans ces conditions quelques difficultés de cohabitation. Notre hôte veut aussi nous rapprocher des éléphants, que l’on voit depuis la terrasse, mais cette tentative s’avérera infructueuse. Par contre, ils viennent la nuit tout près de la maison, ainsi que de nombreux lions que l’on entend rugir tout près de notre chambre.

Ici, il y a deux choses dont vous devez vous méfier : les éléphants et les noirs ! C’est le conseil que l’on nous donne quand nous quittons notre prison dorée. Commençons par vous parler des animaux.

Nous sommes maintenant complètement familiarisés avec quelques animaux : les gracieuses girafes (on en a vu des dizaines), qui le plus souvent arrêtent tout pour nous regarder pédaler, les « ânes rayés » qui se mettent à galoper dans tous les sens à la vue de drôles de zèbres sur leur vélo, les bêtes à cornes ne se laissent guère photographier, elles déguerpissent à notre passage.

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Les phacochères trop occupés à creuser pour manger nous dédaignent. On ne redoute même plus tellement le lion, il n’est pas idiot, il préfère la chair fraiche des gazelles à la vieille carne de cyclistes. Et puis, la journée, il dort…

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il dort, ou alors, il joue :

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C'est un lion captif....sinon, vous ne le verriez pas si gros !

Les redoutables guépards et léopards sont rares, ce serait pas de bol de se faire bouffer par l'un d'eux. Nous croisons les doigts pour ne jamais croiser un troupeau de buffles, quant aux éléphants, les cacas pachydermiques et les barrissements que nous entendons à plusieurs reprises mettent nos sens en éveil. Il ne faut pas rigoler avec eux, se tenir à distance, quand le paysage est ouvert, il n’y a pas trop de souci, mais dans les espaces où la végétation est dense, nous nous méfions.

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L'inévitable rencontre, c'est pour aujourd'hui. Un énorme troupeau passe sur notre gauche, une cinquantaine de bestioles, mais ils sont à une distance suffisante pour qu’on puisse les observer tranquillement, émerveillés qu’on est, et la culotte toujours sèche. On peut vous l’assurer, rencontrer des bêtes sauvages en vélo, ça défrise quand même !!

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Ce qui est formidable, avec le vélo, c’est que nous ne sommes pas isolés du décor par une quelconque seconde peau, nous sommes vraiment dans ce décor. Du coup, pédaler sur des pistes poussiéreuses en plein cagnard vitalise le paysage desséché. On devient attentif au moindre détail, à la moindre trace devant la roue avant, on sublime le moindre arbre rencontré, on s’émerveille de tout. Au paysage s’ajoutent les ressentis de notre corps (parfois souffrant, il faut bien l’avouer), mais chaque km gagné est source de joie, une victoire sur cette piste de merde. Il nous arrive de penser qu’il faut vraiment être con ou enragé pour faire des trucs pareils, mais la plupart du temps, nous avançons joyeusement, avec des yeux qui voient différemment et des oreilles qui sont beaucoup plus réceptives aux signaux. «T’as entendu ce bruit, il y a un troupeau de buffles pas loin » « calme toi chérie, c’est seulement le vent dans les arbres»

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Le second sujet de stress, selon notre hôte blanc du ranch, c’est le noir. « ne l’approchez pas, ignorez le, si vous l’abordez, il pensera que vous êtes idiots et tentera de vous gruger. Il est même capable de vous tuer pour 10 dollars » Sic ! Les règles de bienséance nous imposent de nous taire, mais nous sommes médusés. Comment un gars si sympa avec nous peut-il tenir de pareils propos ? Si on s’escrime à pédaler sur des pistes défoncées et sous un soleil de plomb, ce n’est évidemment pas seulement pour ce paysage aride, c’est pour la rencontre avec l’autre, fût-il noir. Et dans les jours qui suivent, ces rencontres sont réellement enrichissantes et émouvantes, un voyage dans une mosaïque d’ethnies toutes plus fascinantes les unes que les autres. Nos premiers échanges se font avec des Turkanas, pasteurs nomades, contraints à la suite de grandes sécheresses à se déplacer de la région du lac Turkana (plus au nord) jusqu’ici. Alors que nous pique niquons à l’ombre, deux d’entre eux, bâton à la main, couteau à la ceinture, portant pagne à carreau, s’arrêtent pour nous saluer, tout naturellement, comme si nous étions des leurs, nomades. Nous sommes bien un peu des nomades, mais pour nous cela ne dure qu’un temps, nous pouvons retrouver dès que nous le souhaitons une vie plus « confortable ». Eux sont obligés d’avancer en permanence dans cet univers difficile pour trouver nourriture pour eux et leurs troupeaux. Le climat est rude dans ces contrées, c’est très chaud et aride, il faut prendre l’eau dans les rivières, où les animaux boivent et peuvent faire leurs besoins….Nous la filtrons pour la rendre claire, car elle est marron puis la purifions, mais eux la boivent telle quelle et n’ont pas les plaquettes d’imodium dans leur maigre paquetage. Ces 2 bergers nous expliquent qu’ils commencent leur vie pastorale très jeunes, avec seulement un mouton et doivent constituer un troupeau pour payer la dote de leur future femme. Enfin, c’est ce que l’on a compris….la communication n’est pas évidente, quelques mots d’anglais, 4 mots swahili, beaucoup de gestes…

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filtrage d'une eau boueuse

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Nous n’avons pas vu de femme Turkana, mais beaucoup de jeunes filles Samburus, tellement belles, les oreilles, le cou, les bras, les chevilles ornés de parures de perles.

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Les hommes Samburus nous ont fait halluciner, piercings et chaînes sur le visage, nombreux bracelets. Un vrai bonheur que de les trouver dans le petit bistrot du coin, comprenez « une cabane de bric et de broc, faite de bois et de bâches en plastique ». Les Samburus sont des cousins des Massais et ils parlent la même langue. On échange quelques mots, ils s’intéressent à nos vélos et à notre parcours, on demande à faire la photo, ils la regardent en rigolant…

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Après avoir laissé la route de Maralal pour prendre celle du lac Baringo, nous sommes entrés en territoire Pokot, et là, quel festival à nouveau. Mais les Pokots ne sont pas faciles à rencontrer, contrairement aux turkanas et samburus, ils vivent isolés, cachés dans le bush. On ne les voit que quand ils mettent un pied sur la piste. Souvent, les enfants pointent leurs nez, et vont vite se planquer, apeurés.Et quand vous faites une rencontre comme celle ci, c'est juste un pur bonheur :

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Dans toute la région, tout ce petit monde est resté très discret et ne nous a jamais rien réclamé, ni argent, ni bonbon, ni stylos, ils n’ont pas encore été abimés par des touristes débiles. A Taguelbei, Shadrak, un brave type, mais complètement bourré nous guide pour trouver une chambre. Le lendemain matin, dessoulé, il vient nous rejoindre alors que nous prenons le petit déjeuner dans un boui boui. Une famille Pokot entre. Ils viennent de la montagne à pied pour se ravitailler en ville et s’installent avec nous. Timides, ils nous observent d’abord en silence, nous lançons la conversation, Shadrak fait l’interprète. Un moment délicieux à essayer de se comprendre. Nous essayons d’échanger sur nos coutumes et modes de vie, et les complimentons sur leurs parures. Combien de temps faudra t-il à ces ethnies pour qu’elles perdent leur identité et entrent dans l’uniformité de la mondialisation. On sent bien que des jeunes sont entre 2 cultures, y a regarder la photo ci-dessus. Un jeune nous dit que cela fait plouc de s’habiller comme les villageois, lui veut porter jean et tee shirt avec pub !

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Mais revenons à notre famille Pokot. Les filles ont de petites tresses fines, la grand-mère porte de magnifiques bijoux. Elle dit avoir une trentaine d’années, environ, elle ne sait pas exactement, ses deux filles sont déjà mères. Un des gendres les accompagne, il est très jeune lui aussi, fort sympathique, porte chapeau et plume, et trimballe son petit tabouret de bois. Nous nous quittons et reprenons la route, tout en essayant de graver ces visages et ces sourires dans notre mémoire dure.

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Z’avez déjà dormi dans une boite de conserves ?

L’arrivée à Loruk n’est pas facile, bien qu’en descente, la piste, caillouteuse en diable, ne nous permet pas d’être distraits, du coup, nous nous concentrons sur les cailloux et la roue avant. Et il faut avancer, l’heure tourne. Nous arrivons pile poil avant la nuit et trouvons gîte et couvert chez Marie, qui a de la bière fraiche, de la Tursker, la marque à l’éléphant. Bruno va faire un tour en cuisine, histoire de montrer à Marie que lui aussi sait brasser la polente blanche, ici on appelle cela « ugali », et c’est vraiment la nourriture de base du Kenya (et de nombreux pays d’Afrique d’ailleurs).

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Tout va bien donc, le hic, c’est que la chambre se trouve dans une barque de tôle, tout est en tôle, murs comme plafond, et avec le soleil qui a donné dessus toute la journée, il doit bien y faire, allez, 50 degrés !

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