• Enteteroulemaloute 5
  • 29 Avril 2017
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Depuis que la sécurité des voyageurs a été mise à mal en 2012 (5 personnes décapitées ) et du fait de la proximité de la frontière avec l’Érythrée, pays qui entretient une relation plutôt tendue avec l’Éthiopie, les autorités gouvernementales imposent aux visiteurs la formation de convois motorisés avec guides autorisés et soldats armés. Nous devons donc passer par une agence pour un tour de 4 jours dans l’antre du Rift africain. Au menu, Dallol (- 48 mètres) et volcan Erta Alé (613 mètres), le lac Assale et la possibilité de se familiariser avec le territoire ancestral des Afars. Les Afars habitent l’une des zones les plus inhospitalières de notre planète, la dépression du Danakil. Un désert que National geographic a nommé « l’endroit le plus impitoyable de la Terre ». Nos premiers afars, nous les rencontrons dans un petit village où nous nous arrêtons pour boire un café et récupérer diverses autorisations. Nous nous faisons aborder par des jeunes qui connaissent mieux que nous les joueurs de foot français. Le foot a ça de bien, il unit les peuples....

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Bien plus loin, des huttes d’argile et des cabanes faites de branchages dans un désert de pierres volcaniques, évidemment sans eau ni électricité. On ne peut s’empêcher de se demander comment des hommes peuvent vivre ici et de quoi. A midi, la température du sol doit atteindre celle d’un métal en fusion et leur brûler les pieds. Qui les a condamnés à ce bannissement cauchemardesque ? Et puis, çà et là, on voit des fillettes poussant un troupeau de chèvres efflanquées, de jeunes garçons qui transportent des bidons d’eau sur des carrioles tirées par des ânes. Nous sommes dans le territoire des Afars, ces éleveurs, qui végètent dans ce désert de feu, à des kilomètres de tout, en marge de l’humanité.

Après un parcours chaotique sur une mauvaise piste, tantôt de sable, tantôt de cailloux, nous voici au camp Dodom. Il s’agit d’un camp de militaires, chargés de la surveillance des lieux. L’un d’entre eux nous dit : « si un érythréen s’aventure par-là, on le liquide ». Nous dormirons rassurés. La chaleur sèche s’est bien installée, une natte à l’ombre nous accueille, en attendant le repas du soir. Le guide, Yonas nous a prévenus : à 19 h, le diner devra être terminé, nous commencerons l’ascension, qui se fait de nuit, pour ne pas être sous le joug de la chaleur. Alors, une fois le diner avalé et les dromadaires lestés de nos matelas et sacs de couchages, nous démarrons. Nous sommes une quinzaine, lampe frontale sur le front. Les polonais nous mènent un train d’enfer sur les pentes du grand volcan bouclier Erta ale (montagne fumante), deux policiers, fusil sur l’épaule, ferment la marche. Coco, une jeune japonaise a décidé de se faire porter par un dromadaire, à la montée, comme à la descente. La chaleur est supportable, en moins de 3 h, nous sommes en haut, avec une pause au milieu.

Le feu dans la nuit.

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Là, une fumée rouge nous attire comme un aimant. Nous nous approchons de la caldeira et le rêve devient réalité, on a beau être préparé, avoir regardé des photos, les premiers instants devant cette bouche en feu sont d'une telle intensité qu'ils resteront à jamais gravés dans nos mémoires.

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Le rouge, la lave, la chaleur, l'odeur de soufre, c'est un autre monde. La lave bouillonne dans cet immense chaudron, la chaleur nous chauffe le visage. C'est une vision unique, une expérience inoubliable. Le niveau de lave est haut dans le cratère, elle déborde telle une rivière, et tantôt jaillit avec force, aves des projections de plusieurs mètres de haut. Un feu d’artifice. Nous restons à observer ce spectacle magnifique pendant plus d’une heure, en silence, hypnotisés, pris aux tripes par les manifestations de notre terre, que nous pensions connaître et qui se déchaîne devant nous. Les matelas sont installés à une centaine de mètres, nous nous endormons comme des bébés, mais la nuit est courte, à 4 h, c’est déjà le réveil pour une dernière vue sur le cratère, et la redescente au « camp de base », avant que le soleil ne soit trop chaud.

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Coco sur son chameau dans les premières lueurs du jour

Ici, nous sommes au lac Assale, en fait, un désert de sel avec une mince couche d’eau au-dessus, effet miroir garanti. Un verre de vin éthiopien à la main, nous assistons au coucher du soleil. Nous sommes accompagnés de 2 militaires, plus occupés à tailler la bavette et à faire des photos avec leur smartphone qu'à assurer la sécurité….En réalité, on se sent en totale sécurité.

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Nous reviendrons demain pour voir les travailleurs du sel.

Notre groupe est sympa, des français, des jeunes japonais, un australien et les polonais. On se marre, car ce soir notre campement ressemble vraiment à un camp de réfugiés. Nous dormons à la belle étoile, sur de vagues carcasses en bois sur lesquelles ont été tendues des cordes en guise de sommier. La lune est presque pleine, nous passons une délicieuse nuit enveloppés d’une douce chaleur. Au petit déjeuner, les mouches sont réveillées elles aussi, elles forment des nuages noirs et denses en tourbillonnant avec rage près du pot de Nutella que je viens de fermer. Où étaient-elles il y a quelques minutes ? Il n’y a pas de toilettes ici, tout se passe en plein air…

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Notre "camp de réfugiés ", un loft : cuisine, salon, chambre, toilettes, tout dans la même pièce !

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Une autre planète. Nous déambulons maintenant, émerveillés dans un lieu incroyable. Nous sommes à -48 m au dessous du niveau de la mer et c’est peut-être le lieu naturel le plus surréaliste au monde. Dallol est l’incroyable résultat de l’interaction entre volcanisme et hydrologie : champs fumeroliens jaune vif, dômes de sel hachés par des canyons sinueux, sources thermales dont les eaux riches en minéraux glougloutent dans de petites vasques aux teintes vertes fluorescentes, milliers de cristaux, d’aiguilles aux formes torturées et aux couleurs éclatantes…Les dépôts salins dépassent les 2000 mètres d’épaisseur. Du blanc, des teintes vives, époustouflantes, allant du rouge brun au jaune le plus intense, en passant par toutes les nuances de vert…Un décor inimaginable, à voir de toute urgence avant que la folie des hommes ou le cours de l’histoire ne condamne l’avenir fragile de ce site extraordinaire.

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Il est l’heure d’aller voir les travailleurs du sel. En chemin, nous nous arrêtons pour voir d'étranges marres bouillonnantes, tantôt jaunes, tantôt rouilles. C'est géologique et vivant, cela rappelle l'Islande. C'est en effet le même phénomène qui se déroule là, sous nos yeux.

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La récolte du sel est un spectacle qui suscite le respect et l’admiration pour ces forçats qui perpétuent le travail de leurs ancêtres depuis 2500 ans, l’époque de la reine de Saba. Une démonstration de courage et de volonté. Par des températures allant jusqu’à plus de 40°C, les Afars cassent la croûte de sel, la taillent en briques. Les dromadaires sont maintenant chargés de cette précieuse marchandise. Malgré la difficulté du travail, les travailleurs sont aimables et se prêtent volontiers à la séance photo. Les dromadaires appartiennent majoritairement à des habitants du Tigré. Ce sont donc des tigréens qui effectuent les 20 kil. de marche quotidienne pour conduire les dromadaires du lac au marché. Traditionnellement, le sel ne se négocie pas au kg mais à la brique. Matin et soir, c’est une colonne interminable de dromadaires qui s’étire du lac Assale à la petite ville de Berhale.

Sur le chemin du retour, nous allons ensuite visiter les montagnes de sel toutes proches. Les cheminées de fée assurent là aussi le spectacle. Le guides appellent ce lieu : New York City in the Salt », pourquoi pas, même si le paysage revêt plutôt des airs d'ouest américain.

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De retour à Berhale. La mosquée avoisine les 2 églises, ici vivent en paix musulmans afars et orthodoxes tigréens. Nous y prenons notre repas de midi, et rentrons à Mekele, des images merveilleuses plein la tête.