• Enteteroulemaloute 5
  • 29 Avril 2017
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On dirait le Sud.

C’est par la voie des airs que nous faisons un bond de Mekele à Arba Minch.

Près d’Arba minch, les Dorzé habitent de superbes maisons, faites de bambou et de faux bananier, de forme ogivale et haute d’une dizaine de mètres. On y vit dans une pièce unique. Nous nous faisons racoler par un guide qui néanmoins nous fera une visite de son village relativement intéressante. Mais on déteste ce genre de pratiques, malheureusement incontournables dans de nombreux endroits en Ethiopie, où on veut nous montrer « ce qu’il faut qu’on voie ! ». C’est bien joli ta balade, qu’on dit au guide, mais on voudrait du plus authentique, la vraie vie, quoi….alors on finit la visite dans un incroyable bar où l’on sert du vin de miel, un breuvage orangé pas mauvais du tout, servi dans une petite fiole. En ce jour de marché, les villageois ont pas mal tapé dans la gourde ! Ici, on peut se prendre une bonne biture pour pas cher, 10 birhs, soit ½ euro le litre.

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C’est avec un vrai plaisir que je nous enfourchons à nouveau nos bicyclettes au petit matin d’un 18 Novembre, dans une Arba Minch encore fraîche mais déjà bien éveillée. Nous filons assez vite car la route du Sud est plutôt descendante dans la première partie.

Rien ne va plus chez les Konso.

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Un conflit perdure entre la tribu Konso et le gouvernement. Le roi des Konso est en prison, plusieurs personnes, dont des enseignants ont déserté et se cachent dans le maquis. Une importante présence militaire surveille le coin. En théorie, on ne peut pas visiter les villages konsos, le bureau des guides étant fermé, en pratique, il est aisé de trouver quelqu’un pour vous emmener. Nous visitons un village de 500 habitants, composé d’un ensemble de petites maisons et de huttes, chaque concession est encerclée par des branchages. Le village lui-même possède un mur d’enceinte fait d’un empilement de pierres, et ses petites rues sont très étroites pour empêcher l’ennemi, ou la bête sauvage, de se déplacer facilement. Il n'y a ni eau courante, ni électricité. Nous verrons les grandes maisons communes accueillant les jeunes hommes avant le mariage. A l’entrée du village, sont posées les pierres de mariages (si tu arrives à la soulever à bout de bras et la passer par-dessus l’épaule, tu as le droit de te marier sinon il te faut encore attendre).

Nous nous rendons sur une place où sont érigés les troncs des générations (chaque 18 ans un nouveau tronc est ajouté et une nouvelle génération dirige le village), et sur la place où se trouve le « waka », un totem placé là pour honorer un valeureux guerrier qui est arrivé à bout de l’ennemi ou qui a tué un lion, un léopard…Malheureusement, les wakas se font rares dans les villages, certains sont partis au musée, et d’autres chez des collectionneurs.

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Aujourd’hui, on a tout faux.

De Konso à Weito, nous attendions de la descente : nous avons eu beaucoup de montées, sur une route assez pentue qui serpente entre les montagnes. Nous attendions les pires ennuis avec les gamins, très nombreux dans cette région fort peuplée : beaucoup nous ont suivi, mais aucun ne nous a embêté. A chaque arrêt, nous nous sommes retrouvés encerclés d’une foule colorée et piaillant, mais aucun incident à déplorer, nous sommes d’ailleurs très étonnés que nos drapeaux n’aient pas encore été fauchés.

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Les villes ont laissé place à des villages de huttes, souvent les villageois sont regroupés à l’ombre pour boire leur fameuse bière locale, c’est trouble et peu engageant, mais ils aiment ça et commencent tôt le matin. Arrive la fin des montagnes, nous stoppons un moment sur un joli point de vue, devant nous s'étend la vallée du rift africain. S’ensuit une descente d’une douzaine de kilomètres et une perte de dénivelé de 800 m, nous voici à Weito. Nous pensions échouer dans le pire gourbi : nous avons une chambre simple mais propre, sans puce, sans souris et même sans moustique.

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Les 2 jours suivants sont un peu éreintants, et nous conduisent à Jinka, via Key afar (ici notre dernier col éthiopien, bien raide) et Kaco. Un arrêt bienvenu pour visiter son marché. Nous commençons à voir quelques personnages intéressants et hauts en couleurs, de bons sauvages « avec un os dans le nez » (vous vous souvenez de la fameuse réplique adressée à Pascal Légitimus dans les « 3frères » : - Oh, t'as bien un petit chromosome avec un os dans le nez ! ).

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Nous avons connu ces derniers jours quelques drôles de situations. Si nous les avions vécues au début de notre voyage, voici ce que nous aurions probablement écrit : « c’est bien beau de vouloir circuler en vélo en Ethiopie, mais c’est tellement stressant que nous en avons plein les bottes et nous continuons en bus ! ». En réalité, nous sommes maintenant comme des poissons dans l’eau dans ce pays, et nous parvenons à gérer sereinement ces situations.

En voici quelques-unes :

Nos bolides sont lancés dans une belle descente. 2 types à poil bondissent au milieu de la route en hurlant « money, money, farenje, farenje ». Ils étaient en train de se baigner dans la rivière, pas le temps de s’habiller, ils nous auraient loupés…..Nous les évitons de justesse et passons notre chemin. Il ne faut surtout pas s’arrêter, car un arrêt signifie que dans les cinq minutes ils seront dix, vingt ou trente, à poil au milieu de la route, comme un essaim autour d’un pot de miel, et là, bonjour pour repartir.

Cette fois, cela se passe en rase cambrousse, et dans une légère montée. Nous nous faisons poursuivre par une bande de gamins qui ont chacun un long couteau dans la main, et qui hurlent « farenje, farenje , stop, stop ». Ne pas céder à la peur, et comme nous n’arrivons pas à les larguer, nous nous arrêtons et amorçons une discussion, en nous présentant et en leur demandant de le faire à leur tour. Ce sont de braves gosses qui étaient en train de couper de l’herbe. 2 farenje qui passent sur leur vélo, rien de tel pour prendre une bonne récréation.

Nous traversons un village et nous arrêtons un peu plus loin pour pisser. En un rien de temps nous sommes encerclés par une foule de gamins tellement dense que nous n’arrivons pas à repartir. Ils sont plutôt sympa, rigolent, commentent, mais ils nous entourent de près et il faut l’intervention d’un adulte pour les disperser à coups de trique.

Une moto arrive par derrière, ralentit et se met à rouler à notre allure. Puis 2, puis 3, puis une dizaine, puis davantage encore. Ils nous entourent maintenant. Un coup de klaxon, puis 2, puis 3, puis tout le monde s’y met, encore 2 km comme ça, avec de plus en plus de motos, et donc de coups de klaxon, et nous faisons une entrée triomphale dans la ville Jinka, dans un tintamarre invraisemblable.

Chez les bons sauvages.

A Jinka, nous rencontrons une jeune israélienne, Rotem, qui a fait 4 années d’études en phogographie, et un jeune guide éthiopien, Babi. Rotem est dans le même état d’esprit que nous, elle aimerait se rendre dans les tribus, mais pour rencontrer les gens, pas pour y faite un safari humain. Babi nous propose d’aller dans un village Mursi très reculé et d’y camper. Banco. Nous voilà donc partis en voiture pour 3 jours.

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Cap vers le Parc national de Mago, initialement créé pour protéger les populations d’éléphants, de girafes et de buffles. Mais Mago est avant tout célèbre pour la présence de plusieurs ethnies dont la plus célèbre, celle des Mursi. Un climat torride et des pratiques guerrières ont préservé les Mursi de toute forme d’occupation et de modernité. Agro-pasteurs, crâne rasé, oreilles percées, bras et thorax scarifiés, les hommes Mursi arborent fièrement la kalachnikov en bandoulière (comme passablement d’hommes dans la vallée de l’Omo). Les femmes de haut rang portent quant à elles un plateau d’argile inséré dans la lèvre inférieure. La taille du plateau labial est proportionnelle à la dot exigée par la famille. Quand elles retirent leur labret, certaines arrivent à faire passer la tête d’un bébé à travers le trou béant. Les origines de cette tradition sont incertaines, ce pourrait être, à l’époque, pour échapper à l’esclavage, mais d’autres affirment que ce n’est qu’un signe de beauté.

Quand nous arrivons au village, les femmes viennent vers nous et prennent immédiatement la pause. Comme nous ne prenons pas de photo, elles réclament : photo, photo....Doucement les amies, nous ne sommes pas là que pour les photos, on voudrait faire un brin connaissance, voir un peu comment vous vivez... grand moment d'incompréhension...des touristes qui ne vont pas nous payer pour prendre des photos ? Avec l'aide de Babi, on finit par leur faire comprendre qu'elles auront la récompense attendue, mais plus tard. Du coup, l'atmosphère est plus cool, moins de pression, nous sommes invités à moudre du grain, à ramasser du bois dans le bush....

Le fait de passer une nuit sous tente dans le village permet d’établir un brin de contact, voire de complicité avec ces Mursi, c'est ce qui nous intéresse le plus, et en prime nous a permis de faire les photos avec des Mursi pas trop conditionnés pour la séance.

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Annick prépare le repas, il faut écraser le grain de maïs avec une pierre, avec la farine, on fait le porridge, le repas du soir, et de midi, et du matin...

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pendant que cette brave femme et son fils pétrissent de la bouse pour enduire un mur

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Accoutrements ridicules, pour plaire aux visiteurs !

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Labrets énormes et scarifications diverses 

Les Karo : nous n’avons pas aimé ce village, touristique en diable. Oui, les peintures corporelles,…, d’accord…..oui, le village de huttes….d’accord…., mais dans une atmosphère mercantile qui ne nous plait pas. Là encore, ce n’est pas la faute des locaux, mais la nôtre, touristes avides de photos. C’est nous qui les pervertissons, ou plutôt qui les avons pervertis, le mal est fait, et depuis pas mal d’années….Pour mémo, Hans Silvester a trainé ses guêtres dans le coin il y a bien longtemps. Ces Karo, on les retrouve notamment dans le village Kolcho. Sans eau potable, ni électricité, comme chez les Mursi, ils s’abreuvent directement dans la rivière. La tribu Karo est composée d’environ 1500 personnes, ce qui en fait le plus petit groupe ethnique de la vallée de l’Omo. La natalité est décidée par les anciens par une planification qui est destinée à limiter la tribu dans un souci de survie. Or, le nombre peu élevé de karo risque de mener l’ethnie à sa disparition. Du coup, la règle tend à être inversée. Les Karo décorent leurs visages et leurs corps de peinture tribale afin d’augmenter leurs attrait sexuel. Les hommes se font des peintures corporelles avec de la craie, de l’ocre ou du charbon de bois lors d’occasions particulières, les cérémonies et les danses. Concrètement, ils se les font maintenant chaque jour, pour les touristes !

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Le bull jumping (saut de vaches), chez les Hamer

Babi a bien joué, il nous emmène à un bull jumping difficilement accessible, par une piste en terre rendue glissante par la pluie qui tombe depuis quelques heures. A plusieurs reprises, nous frôlons l’embourbement, mais sommes quasi les seuls occidentaux présents à cette fête. Nous savons juste qu’il s’agit d’un rite initiatique pour un jeune Hamer qui va passer à l’âge adulte et pouvoir se marier.

Nous nous garons et pensons être arrivés sur le lieu de la cérémonie, il n’en est rien, nous devons marcher encore pas mal de termps. Des groupes arrivent d’un peu partout, des femmes charriant des bidons de bière de sorgho, des jeunes filles agitant grelots et jouant trompette, de grands gars portant chapeau des grandes occasions. Un arrêt sous un acacia à l’ombre bienfaitrice. Là, on est entrain de raser et maquiller des jeunes gens. Puis on leur mettra quelques plumes sur la tête, tenues par un bandeau de perles. Notre guide nous explique que ce sont les “maza”, des jeunes qui ont déjà réussi l’épreuve du bull jumping. Ce sont eux qui dans un moment vont flageller les femmes…Ah bon ? On a beau se croire un peu ouverts d’esprit, cela nous laisse perplexes. Attendre et voir

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Les maza ont récupéré dans la forêt de longues triques souples, ressemblant à de l’osier. Les femmes, vêtues d’une peau de cabri font des danses et des chants. L’atmosphère est joviale. Les jeunes femmes se mettent à souffler dans une trompette et provoquent les maza . Ce sont en particulier les soeurs du sauteur, celui qui va sauter sur les taureaux, qui en signe d'affection, aguichent les maza . L’un d’eux se décide et le premier coup de trique retentit. Chlac sur le dos, avec violence. La fouettée ne pousse pas un cri, mais moi j’ai du mal à contenir le mien. Pire, elle secoue ses tresses, et sourit. Elle ressaisit sa trompette et souffle à nouveau. Elle en redemande. Pourtant, c’est pas du cinéma, j’ai bien vu son dos, il porte maintenant une grande balafre sanguinolente. Elle veut à nouveau être frappée au sang, pour prouver sa force et son courage. Les autres femmes continuent à donner de la trompette, et les autres maza s’y mettent maintenant, chac,chlac, dans tous les sens. Il y a même une femme enceinte qui se fait flageller, et ce n’est pas la dernière à en redemander.... Les Hamer font vraiment comme si nous n’étions pas là. Nous sommes invisibles, et c’est tant mieux. Parce-que franchement, cette flagellation, on a du mal à comprendre, surtout quand on nous parle de respect et d’amour… Par la flagellation, ces femmes deviennent plus appréciées au village et sont plus respectées. J’ai un peu du mal à faire le lien. Mais sans doute ont elles beaucoup de mal à comprendre comment nous vivons en Europe, nous n’avons pas le même système de valeurs, loin s’en faut. Qui a raison ? Alors, nous prenons le parti d’ouvrir notre esprit pour profiter de cette fête à laquelle nous avons la chance d’assister. Après tout, ce sont bien ces traditions, et ces différents systèmes de valeurs qui font la couleur et la richesse de l’humanité. 

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Nous suivons un groupe d’hommes qui se dirigent vers l’endroit où la bière de sorgho coule à flot. On s’en voit servir une grande calebasse. On remercie, tout en maudissant la donatrice. C’est un cadeau empoisonné, cette bière, ce n’est pas notre truc, pas super au goût et il y a à boire et à manger au fond du recipient…Z’auriez pas une Desperado ? (je rigole…)

Nous sommes maintenant assis à l’ombre sous une bâche, avec plus d’une centaine de personnes. Un important groupe de femmes danse devant nous, la femme enceinte repérée tout à l’heure ne donne pas sa part….Toutes ces femmes ont le dos lacéré, des balafres anciennes, longues boursouflures et les nouvelles, rouges et dégoulinantes. Certaines femmes veulent vraiment se faire fouetter encore. Aussi impensable que ça puisse paraître… Elles viennent vers les garçons qui sont maintenant assis à boire leur bière.. Elles les provoquent à nouveau avec paroles et trompettes. Elles vont même chercher les triques elles-mêmes. Les garçons ne répondent pas. Elles les invectivent : Qu’est ce que tu as ? Tu n’as pas assez mangé ? Tu te sens faible ? Sans doute préfèrent ils maintenant boire leur verre entre eux…Alors, déçues, elles retournent danser, sautent en joignant les deux pieds. Leurs lourds bracelets de cheville s’entrechoquent, et aucune ne se soucie de son dos et de ses flancs ensanglantés.

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L’ Hamer qu’on voit danser….

Le soleil disparait à l’horizon, et des hommes commencent à rassembler les animaux. Tout le monde se déplace de quelques centaines de mètres pour accéder à une petite colline. Là, les taureaux sont alignés et maintenus par les cornes et les queues. Le sauteur est tout nu, c’est un moment important pour lui. Huit éléments du troupeau indiscipliné ont été positionnés flanc contre flanc. Ça y est, le jeune homme tout nu saute sur le dos du premier taureau, sans le toucher des mains, court sur le dos des autres et redescend de l’autre côté. Pour réussir le rite initiatique, il doit s’acquitter sans tomber, de quatre parcours consécutifs. Une fois l’épreuve réussie, le garçon est porté en triomphe par ses aînés et acclamé par le village. S’il trébuche à une reprise, on ne lui en tient pas rigueur, il recommencera l’épreuve. 

Par contre, s’il échoue à nouveau, il subira l’humiliation suprême : il sera publiquement flagellé et battu par les femmes de sa famille et de la famille de celle qu’il devait épouser. Considéré comme le paria du village, il sera la proie des moqueries et des railleries de toute la communauté pour le restant de son existence.

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Bref ces coutumes prêtent à questionnement, mais dans l’immédiat, il nous faut rentrer, à galoper une grosse demi heure pour récupérer la voiture, il fait nuit noire. 

Le 26 novembre, après nous être séparés de Babi, Babacar et Rotem, nous retrouvons nos vélos et quittons le goudron. 3 jours sympa ensemble, mais nous ne remettrons plus les pieds nulle part avec un guide, nous préférons voyager sur nos vélos, les rencontres que l’on fait sont mille fois plus intéressantes ! En effet, à part le bull jumping qui reste vraiment authentique, ces tours guidés ne servent qu’à corrompre ces tribus. Un droit d’entrée est exigé dans chaque village accessible aux touristes, puis chaque cliché doit être payé. Impossible de passer à côté de cette règle. Du coup, les membres de ces tribus en rajoutent pour être photographiés. Cela devient du grand n’importe quoi. Si un Mursi qui arbore un vase sur la tête se fait davantage photographier que ses congénères, ils trouveront rapidement une astuce pour ramasser quelques pièces eux aussi , quitte à porter des cornes ou autre accoutrement ridicule. C'est contraire à nos habitudes, payer pour une photo....et là, on l'a fait, comme tout le monde, comme quoi il faut bien se garder de se poser en donneurs de leçons, mais promis juré, nous allons revenir à nos habitudes : une photo ne se fera que dans un climat de réelle complicité, jamais dans un esprit mercantile.

La piste entre Key afar et Turmi est un régal. Superbes moments, incroyables devrais-je dire, que de pédaler dans ce décor de bush, sous ce ciel orageux mais pas trop, sans circulation, où nous nous sentons libres et complètement tranquilles. Nous voyons régulièrement des membres de tribus qui ressemblent aux massaïs. Des bergers qui marchent le long de la route, amenant leurs troupeaux de chèvres paître ici ou là. Si certains hommes portent un fusil en bandoulière, tous trimbalent leur borkoto, sculpture en bois servant à la fois d’appuie-tête et siège miniature…l’outil de repos qu’on traîne partout. En réalité,ces gens sont eux aussi des « Hamer », l’une des nombreuses ethnies qui vivent dans cette région. Les Hamer vivent de l’élevage ainsi que de la culture du sorgho, millet, légumes, tabac et coton. On pratique également l’apiculture.

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Nous voyageons dans le calme, et le cri perpétuel du « farenji » a disparu, remplacé par le seul pépiement des oiseaux. Il n’est pas rare qu’on croise un grand bonhomme, musclé, pare de multiples colliers, le bras orné de bracelets de perles multicolores. Son crâne coiffé de courtes tresses, arbore superbement un bandeau de perles. Ce grand gaillard a des jambes immenses et porte une mini jupe. À carreaux de préférence, la mini jupe, ou alors à rayures. On a parfois l’impression d’être entrain de rêver. Pourtant non, nous ne sommes pas entrain de rêver. Non, nous sommes juste dans la vallée de l’Omo. Les femmes de cette tribu s’enduisent les cheveux d’ocre et de beurre pour se faire elles aussi de courtes tresses, des goscha. Elles portent jupe de cuir et de lourds colliers autour du cou. Ces colliers sont des anneaux métalliques posés à l’occasion du mariage. Elles ne pourront jamais les retirer. Certaines portent des anneaux similaires autour des chevilles, inamovibles eux aussi. Elles sont très coquettes, en particulier pour aller au marché, elles portent alors d’immenses colliers de coquillages. C’est magnifique. Nous faisons étape à Dimeka, puis Turmi.

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Au marché de Turmi

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Les Hamer se sont donné rendez-vous, vendant leurs statuettes, petits tabourets faits main, mais aussi des graines, du tabac.... Nous voyons aussi de nombreux touristes, et bien entendu, on nous propose quelques sorties en pays Hamer pour rencontrer les peuples de près, mais c’est bon, on a donné avec les Mursi et les Karo, et puis on l’a déjà dit, on a du mal avec ça. On ne veut plus de sorties guidées, on préfère se laisser guider par nos vélos, admirer ces peuples depuis notre route, ou les rencontrer dans un bar à vin de miel !

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l’hamer rouge

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l'hamer noir

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quand l’hamer monte (à bord)

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quand l'hamer se retire

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l'hamer poule

Nous avons retrouvé Rotem, et surtout, nous passons du bon temps avec Sheilo et Abraham, des gamins adorables. Ils ne sont pas orphelins, mais vivent tout seuls en ville, avec 5 autres camarades, pour être scolarisés correctement, leurs parents sont restés au village. A 12 et 15 ans, ils parlent très bien anglais. Ils partagent quelques repas avec nous, mais ils sont surtout très fiers de faire les beaux en se baladant “ en ville” sur nos vélos pendant qu’on fait la sieste. C’est au cours d’une de ces balades qu’ils rencontrent et nous amènent Monica et Robi, qui voyagent en vélo autour du monde depuis 12 ans. Ils ne sont rentrés en Suisse qu’une seule fois ! Nous passons une magnifique et longue soirée ensemble, vous imaginez bien qu’on a des choses à se raconter…

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malheureusement, nous partons dans des directions opposées, mais que de belles rencontres à Dimeka et Turmi

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Le Kenya n’est plus très loin, mais nous ralentissons la cadence, car nous sommes en train de vivre notre dernière semaine en Ethiopie, et c’est sans doute, sinon la plus belle, en tout cas la plus reposante, physiquement et psychologiquement. Nous pédalons parfois plus d’une heure sans apercevoir personne… Après l’Ethiopie surpeuplée où on n’a jamais pu pédaler plus de 2 minutes sans voir quelqu’un, ces moments sont magiques et nous les savourons comme il se doit.

La route arrive ainsi au village d’Omorate, à quelques kilomètres seulement du Kenya…Au national hotel, qui n’est qu’un genre de gourbi, nous y passons ce qui devait être notre dernière nuit éthiopienne, mais c’était sans compter sur le vent.

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quittant (fuyant ?) le National hôtel 

En effet, si l’Ethiopie nous offre, pour ses 28 derniers kilometres, un superbe goudron tout neuf, un fort vent ralentit considérablement notre progression. Quelques villages Daasanech se découvrent ça et là, des huttes faites de bric et de broc.

Quelques Daasanech charriant bestiaux :

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Sur la rive occidentale de l’Omo, atteinte en traversant le nouveau pont (le précédent s’est effondré avant sa mise en circulation…), à avancer péniblement contre le vent, derniers coups de pédale en Éthiopie, le temps de nous hisser sur le monticule où est érigé le poste de police éthiopien. Mais c’est la fin du goudron. Midi n’a pas encore sonné, de terribles bourrasques soulèvent le sable alentour, la visibilité est faible, il serait inconscient de continuer dans ces conditions. Les jeunes policiers nous proposent une injera pour ce soir, cela finit de nous convaincre. Voici donc notre dernière nuit éthiopienne, sous la tente, devant le poste frontière, et la dernière injera ! 1530 km, 18 cols, un grand nombre d’injeras, une belle aventure est derrière nous. Nous sommes très heureux d’avoir parcouru l’Ethiopie en vélo, nos réticences avant de partir étaient fondées sur des écrits comme celui ci, un exemple parmi tant d’autres, émanant d’un couple de jeunes cyclos,:

Nous avons tenté de compter le nombre de « Money » qui nous frappent comme des gifles chaque jour: des centaines! Les enfants qui nous repèrent de loin accourent par bandes entières, nous poursuivent sur des kilomètres et tentent sournoisement d’ouvrir nos sacoches pour nous voler. Du jamais vu! Cette surprise atteint les sommets de l’hallucination dans certaines zones, où la malveillance prend le dessus sur la vénalité. Le regard agressif comme des chiens enragés, nous montrant les dents comme des hyènes, les hordes de gosses qui se relaient du matin au soir autour de nous en courant, en plus de nous caillasser, d’essayer de nous faire tomber, brandissent bâtons et fouets à bœufs. Certains affûtent leur machette sur le bitume pour se préparer à l’attaque, sous l’œil indifférent des adultes. On ne nous laisse même pas le répit nécessaire pour pisser! Après avoir épuisé les armes des mots et des sourires, c’est en brandissant une longue trique bien souple que nous avançons, les poches remplies de cailloux en guise de munitions. Nous n’avons cependant pas jugé bon, comme certains cyclos nous ayant précédés, de ficeler un couteau au bout de nos bâtons, mais la question s’est sévèrement posée. Par quel bug, les 3,5 M d’années d’évolution qui nous séparent de Lucie ont abouti à une telle population de mendiants, de voleurs, de prédateurs? Ces comportements ne semblent en rien être en rapport avec le niveau de vie, ni les religions ou autres. Nous ne sommes pas des bons samaritains, ni des pigeons, et encore moins des guerriers. Que ceux qui pensent le contraire aillent au diable, ou, en bon français, qu’ils aillent se faire foutre. Nous n’avons qu’une envie: fuir ce pays de sauvages avant qu’il nous arrive d’en choper un et de l’étouffer avec une poignée de biftons!

Voilà, ces 2 jeunes cyclistes ont l’air tout à fait sympathiques, mais pour sûr, ils ne reviendront pas pédaler en Ethiopie.

Certes, l’Ethiopie n’est pas un pays facile, l’aventure, c’est chaque jour. Bien sûr, l'hospitalité existe aussi en Ethiopie, il y a des gens bien partout, on ne peut pas condamner tout un peuple. Mais une chose est certaine, la plupart des Ethiopiens ne font preuve d'aucun discernement concernant les blancs. Blanc = riche ou aide humanitaire et donc ne comprennent pas que l'on voyage en mode routard. Concernant les gosses, oui, nous avons été emmerdés par ces gosses quémandeurs, mais en redoublant d'empathie, en les prenant de revers, ou en poussant un coup de gueule, selon les cas, au final, nous nous en sommes bien sortis, nous pensons avoir eu de la chance. Et puis, nous avons évité le parcours d’ Addis Abeba à Arba Minch, car manifestement, c’est surtout dans cette zone que la population est hostile.

Un grand merci donc aux cyclos nous ayant précédés d’avoir rapporté leur expérience sur internet.