• Enteteroulemaloute 5
  • 29 Avril 2017
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29 Juillet

Youpi ! Je suis comme ressuscitée, pas encore vaillante, mais j'ai le sentiment de vivre à nouveau. Alors que s'est il passé depuis le 15 ? je ne ferai pas le récit des moments exquis vécus pendant la première semaine suivant l'accident, je n'étais qu' un bout de viande drogué et gémissant au fond d'un lit.

Le pasteur de Stewart (qui a gentiment trimballé Bruno dans sa petite voiture, alors que je jouais les princesses en hélico pour me rendre au 2ème hosto) m'avait pourtant offert un extrait de la Bible, béni et dédicacé, mais cela n'a pas suffi à atténuer mes souffrances. Sympa quand même, merci Fernie.

Les choses ont commencé à bouger au bout d'une dizaine de jours, quand mon état m'a permis d'envisager une sortie du pucier. Un plan drastique a été déclenché, harmada d'infirmières, de kinés pour m'apprendre à extirper la jambe malade du lit et la poser au sol. Rien que ça a pris une bonne demi journée avec des cris à réveiller un cimetière entier. Ceux qui me connaissent bien se gaussent déjà car ils voient bien la douillette, ceux qui ont vécu une chirurgie de ce type rigolent moins, quant aux autres, je ne leur souhaite pas d'expérimenter. Avons mis en pratique quelques bases de Physique, en utilisant une sangle (le bras de levier, le parallélogramme déformable, les équilibres, tout y est passé). Au fil des heures, on finit par se mettre debout, au fil des jours à se mettre dans une chaise roulante et même à faire avancer un déambulateur. Et là, c'est un beau progrès, parce que cela nous offre des portes, en particulier celle des toilettes. La confiance est revenue petit à petit avec la perspective de remarcher un jour.

J'ai surtout réalisé que j'étais sur la voie de la guérison lorsque j'ai eu un désir de meurtre de mon voisin de chambrée. Tant que j'étais sous morphine j'ai supporté sa voie de canard, mais l'effet du shoot passé, elle m'est devenue intolérable. Le vieux est infernal, barjaque, jour et nuit, harcèle les jeunes infirmières avec lesquelles il se montre même grivois. Cela doit lui monter à la tête, car la nuit il lui arrive de brâmer comme un cerf. Pour échapper à ses tribulations nocturnes, je mets le volume du mp3 à fond....jusqu'au jour où il part à la buanderie avec le linge, je parle du mp3, pas du vioque. Je vous laisse imaginer la rencontre entre Purcell et Youssou N' Dour dans le tambour du lave linge....

Je n'aurai jamais les mots pour remercier tous ceux qui se sont occupés de moi pour me remettre sur pattes. (il y a encore du boulot, il me faudra 4 mois pour remarcher......) . J'ai d'abord eu la chance de tomber sur un bon chirurgien, qui semble avoir fait du travail d'artiste, du vissé-collé bien costaud, pour mettre ensemble les menus morceaux du fémur. Une opération délicate, mais il semble content, j'espère qu'il assurera le service après vente.

A quelques heures près, j'ai loupé le coup du siècle : j'aurais pu être opérée par un chirurgien maaagnifique ! Il m'a fait la consultation d'incorporation, mais m'a annoncé qu'il avait déjà un rendez vous galant et qu'il me confiait à son collègue, en ajoutant modestement « il est moins beau que moi, mais il opère aussi bien! » J'ai eu l'occasion de revoir souvent ce Dieu vivant car il a fait quelques travaux de soutènement sur .....le vieux. Y a pas de justice !

Ensuite, les infirmières, adorables. Beaucoup de jeunes en formation dans cet hôpital universitaire, pas encore usées par leur boulot ingrat. Elles sont vraiment attentives et disponibles, une m'a confié que les infirmières ont ici de bonnes conditions de travail et un bon salaire.

En tout cas, merci les filles, vous avez été super ! Aimee, Alita, Megan, Debbie, Don, Erica, Vera, Laura, Jenny, Rachel, Emily, Cathrin, Linda et son acolyte Peggy, Jenifer, Stein, le mignon de la physio, et ceux ou celles dont j'ai oublié le prénom...

Je connais bientôt tout le monde ici. Sara, jeune médecin qui passe tous les matins, parfois c'est elle qui me réveille. Elle est belle, on dirait un ange, et elle s'efforce de pratiquer son français avec moi, ça m'arrange ! Et puis Cathrin et Keith ce jeune chirurgien qui m'a permis d'avoir internet, et qui a assisté le grand maître le jour de l'opération. Keith m'a dit : "on t'en a mis de la ferraille...on t'a fait du bien costaud, ça ne bougera pas". Ouais, en tout cas, moi je ne bouge plus non plus.

Mais le système a une faille : un horrible bouledogue, de 1m90, 1m de haut et 90 cm de large (ce n'est pas de moi, mais d'un de mes frères), genre « qui a fait sa formation chez les Marines ». Celle là, je peux pas la blairer, elle est terrifiante. A un moment où j'avais de la misère pour me coucher, elle m'a chargée comme un vulgaire sac de patates et m'a jetée au fond du lit. J'ai hurlé, pas tant à cause de la douleur, mais à cause de la frayeur !

Et puis, un beau matin, mon voisin s'est taillé à la maison. J'ai eu les boules, je l'avais chronométré : 27 minutes pour un aller retour aux chiottes, je m'étais jurée de le battre . Il a été remplacé en pleine nuit par Vanessa, une jeune fille cassée par un accident de quad. Et là, ciao cao Vanessa, bon courage, mais je me barre, je ne veux pas te laisser le temps de te moquer de ta vieille voisine.

Un grand merci à tous ceux et celles qui m'ont aidée, d'une façon ou d'une autre.

Tout le staff médical, ceux qui m'ont trimballée sur terre et dans les airs, Serge et Monique, que nous ne connaissions ni d' Eve ni des dents et qui ont du bien s'emmerder avec nos bagages, le personnel d'intermutuelles assistance.

Les nombreux messages de sympathie de la famille, des copains, et même de personnes que je connais fort peu m'ont fait chaud au coeur. Vous vous doutez bien aussi que l'amour de Bruno m'a aidé plus que tout. Sans son soutien, son assistance permanente, de jour comme de nuit au début, quid de moi aujourd'hui ?